Jour 71
Ce matin, nous petit-déjeunons à 7h. Nous laissons une partie de nos affaires à l’hôtel où nous reviendrons après le trek. Le proprio est très sympa et met l’ordinateur de Micka dans son bureau sous bonne garde.
À 8h, nous retrouvons notre guide à l’agence et partons en jeep jusqu’au point de départ du trek. Le chauffeur est super sympa et se donne vraiment pour nous. Il nous explique plein de choses sur le Népal. Nous voyons la chaîne des Annapurnas qui est bien dégagée ce matin. Les Annapurnas comptent de nombreux sommets parmi lesquels l’Annapurna I ( le plus haut 8091m), Annapurna II, III, IV et Annapurna Sud. Nous voyons aussi le Fish Tail, un autre sommet de plus de 6000m d’altitude et ses 2 pics facilement reconnaissables.
Nous faisons une pause photo à Sarangkot qui offre une belle vue sur le lac de Pokhara. En route, nous voyons un vieux monsieur occidental avec un chapeau typique népalais. Le chauffeur nous explique que cet homme vit au Népal depuis des années, qu’il est australien et est venu au Népal pour les papillons, qu’il y vit depuis des décennies, parle couramment népalais. Incroyable! Il a des airs de Théodore Monod...
En parlant de chapeau népalais, le chapeau typique a une forme qui rappelle les montagnes avec 2 extrémités pointues. Il est porté par les hommes lors des fêtes et par les personnes d’un certain âge de manière régulière. Les jeunes rechignent un peu à le porter de nos jours.
Après une pause massala chaï (thé au lait et aux épices), nous roulons jusqu’à Hile. La route devient de la piste de montagne assez pentue. On longe un torrent de montagne aux eaux claires, l’eau de l’Himalaya!!
Nous commençons la marche vers 11h. Nous traversons le village, voyons nos premières cultures en terrasse (riz et millet). Des paysans portent des fagots de bois et du fourrage. Le Népal est très rural. La route n’a été qu’une succession de villages où les fermiers s’activent.
Nous passons 2 jolis ponts de singe et démarrons une montée de 3600 marches pour rejoindre le village d’Ulleri. Ça monte raide mais le guide y va cool et on fait une pause repas au milieu. Il y a de très jolis endroits pour manger ce qu’ils appellent ici des Tea House le long du chemin et c’est un pur plaisir de s’y arrêter pour manger face à la vue.
Nous arrivons au village d’Ullieri (1960m d’altitude) en début d’après-midi. Nous avons marché 2h maximum pour 500m de dénivelé. C’était donc très cool pour un premier jour mais ça nous va! Surtout qu’il faut qu’on s’habitue au poids de nos sacs. (Nos sacs à dos de voyage ne sont pas ce qu’il y a de plus léger, nous sommes respectivement à 14 et 10kg, mais ça fait très bien l’affaire)
Nous en profitons pour flâner dans le village, nous reposer dans notre guesthouse très confortable pour cette première nuit.
Le ciel se bâche dans la journée cachant les sommets. Micka trépigne déjà à l’idée de les voir demain matin. Ces sommets le font rêver depuis des années! Quand à moi, ces paysages de campagne et de cultures en terrasse me ravissent, c’est ce que je rêvais de voir au Népal.
Sur le chemin, nous avons croisé de nombreux porteurs. Impressionnant le chargement qu’ils ont! Ils ont une lanière autour du front pour supporter la charge. Nous ne sommes pas mécontents de porter nos sacs nous-mêmes, même si l’argument de dire que cela donne du travail et des meilleurs revenus à ces hommes est aussi valable. Les porteurs sont des fermiers de la région qui en haute saison font ce travail pour gagner un peu mieux leur vie.
Notre guide nous dit d’ailleurs qu’il a commencé par être porteur avant de faire la difficile formation de guide. Il alterne entre le travail de guide et le travail à la ferme dans son village. Jun de son prénom est vraiment adorable et très prévenant, on est hyper contents de cette première journée!
Nous terminons par un dhal bat, papotons avec une française à la guesthouse et filons au lit de bonne heure!
Jour 72
Ce matin, lever à 7h. Micka a moyennement bien dormi et moi très mal, la faute je pense au thé qu’on a pris en fin d’après-midi. Le ciel est dégagé ce matin et on voit nettement la pointe sommitale de l’Annapurna Sud (7219m) et le Huinchuli. Nous prenons le petit déjeuner: porridge chaud (beurk, Céline tu vois de quoi je parle!) et café.
Nous démarrons à 8h. Nous traversons le village de Bathanti. Les femmes font la lessive et étendent le linge pendant que le soleil rayonne. Nous voyons des cultures de millet en terrasse et de petits jardins (Des tomates y poussent. A 2000m d’altitude on ne pensait pas que c’était possible! Il y a aussi beaucoup de choux et haricots).
Micka papote sur le chemin avec Ben, un américain qui a la soixantaine bien tassée, une petite bedaine et qui trekke jusqu’au camp de base de l’Annapurna. Il a vendu son entreprise basée à Denver et voyage pour une durée indéterminée. Son objectif: trouver un coin qui lui plait en Asie du Sud Est et s’y installer définitivement. Encore une rencontre inspirante.
Nous traversons ensuite une forêt de rhododendrons et de chênes. Entre 2000 et 3000m d’altitude, la végétation au Népal est à 90% constituée de forêts de rhododendrons. Ici, ce sont de grands arbres qui fleurissent au printemps. Nous longeons de petits ruisseaux.
Le guide nous propose une pause repas vers 10h30!! Pour nous, c’est vraiment tôt, nous poursuivons donc jusqu’à Ghorepani, notre village étape à 2900m d’altitude. Nous y arrivons vers 12h, nous aurons donc marché un peu plus de 3h pour 900m de dénivelé. Le rythme est donc vraiment tranquille. Le village de Ghorepani est mignon avec des jolies guesthouse peintes. La nôtre est tout en haut du village, c’est plus un gros lodge mais la vue sur le massif du Dhaulagiri est top, on l’a juste en face! Et nous avons de nouveau une petite chambre avec vue sur les montagnes avec notre salle de bain.
Après avoir avalé une assiette de noodles aux légumes, nous essayons de nous réchauffer et partons profiter du village. Le ciel se bâche, du coup ce soir nous ne pourrons pas aller voir le coucher de soleil à Poon Hill. Dommage! Nous profitons quand même du petit point de vue sur le Dhaulagiri (8167m) et le Tukuche Peak (6920m) avant qu’ils disparaissent derrière les nuages. Les montagnes sont impressionnantes même si on ne rend pas vraiment compte que ce sont des 7000 ou des 8000. La distance perturbe notre perception des sommets. On ne peut s’empêcher de penser à tous ces alpinistes qui ont tenté et tentent encore de gravir ces sommets, en allant au bout de leurs limites et en y laissant parfois leur vie. Ces sommets nous appellent et exercent un vrai pouvoir de fascination.
En milieu d’après-midi on se réchauffe tous autour du poêle. Le brouillard a tout envahi et on ne voit plus rien!!
La gestion des déchets a l’air assez bien gérée à cette altitude. En tout cas, les Népalais semblent prendre le problème au sérieux. Les agences nous incitent à acheter des purificateurs d’eau ou à utiliser des gourdes filtrantes pour ne pas acheter des bouteilles en plastique sur le chemin. Nous prenons donc l’eau des sources et utilisons notre gourde filtrante.
Jour 73
Ce matin, lever 4h45 pour aller voir le lever de soleil sur la chaîne des Annapurnas. A la frontale, nous grimpons une flopée de marches pendant environ 40 minutes pour atteindre Poon Hill à 3210m d’altitude. De là-haut, la vue embrasse le Dhaulagiri, l’Annapurna Sud et l’Annapurna I (8091m) qu’on n’avait pas encore vu! C’est saisissant de beauté.
Je ne suis malheureusement pas en grande forme, j’ai bien cru que j’allais vomir là-haut, la faute à un bon rhume et à deux nuits blanches. J’ai la tête comme une citrouille. Mais bon rien de bien grave.
Nous restons là-haut un bon moment à admirer le paysage. Nous n’y sommes clairement pas seuls mais la vue est spectaculaire sur ces sommets mythiques. On se sent chanceux de pouvoir les voir. Surtout que dès 8h30, lorsqu’on se remet en marche pour redescendre et prendre le petit-déjeuner, le ciel se bâche et c’en est fini de la vue sur les sommets pour toute la journée. On aura donc eu la chance d’avoir ce petit créneau météo favorable à l’endroit le plus mythique de notre trek!
De Ghorepani à Tadapani (2630m) notre prochaine étape, nous rentrons un peu plus dans le dur avec une étape un peu plus longue que les jours précédents, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Le trajet du jour fait environ 16km pour un total de 5h15. C’est assez vallonné. Ça descend et ça regrimpe sec derrière à de nombreuses reprises! Environ 800m de dénivelé. Les paysages sont de la forêt de rhododendrons de nouveau et plusieurs cascades. Mais sous le ciel gris c’est pas folichon. ( d’où le peu de photos prises sur cette portion)
Arrivés à 13h, nous tentons de nous réchauffer dans la guesthouse mais il n’y a pas de chauffage ( ils économisent le bois donc ne font pas de flambée).
Nous mangeons avec une tablée de français très sympas. Ça nous fait du bien car jusqu’à présent nous n’avions pas trouvé l’ambiance aussi sympathique qu’on l’imaginait sur les chemins du trek. Il faut dire qu’on est sur un chemin très fréquenté donc ça joue peut être.
Nous avions mis l’option de poursuivre depuis Tadapani jusqu’au camp de base de l’Annapurna pour un total de 9 jours de marche. Après pas mal d’hésitation, c’est finalement la météo qui décidera pour nous. Ils annoncent des nuages et de la neige dans les jours qui viennent. Nous préférons donc nous limiter au trek du balcon des Annapurnas sur 5 jours. On garde une petite pointe de déception surtout Micka qui voulait voir l’Annapurna I de plus près. Mais vu la météo annoncée et les conditions plus rudes des logements en altitude (dortoirs uniquement et pas de douche) on se dit que c’est mieux ainsi.
L’après-midi passe assez vite entre sieste, petit tour dans le mini-village, discussions avec les français et repas avec notre guide où nous parlons de plein de choses.
Il a notre âge donc se confie un peu sur sa vie, son parcours. Il nous montre des photos de sa petite amie. Ils espèrent se marier l’an prochain ( ils économisent tous les deux pour) ce qui leur permettrait de pouvoir enfin vivre ensemble.
Jun (c’est notre guide) a travaillé 2 ans à Dubai dans la sécurité comme beaucoup de Népalais. C’est un bon moyen de gagner de l’argent même si là-bas ils bossent comme des fous sans jour de repos. Mais il n’a pas l’air d’en garder un mauvais souvenir, il a même une certaine fierté à nous raconter ses expériences là-bas. En tant qu’aîné et seul garçon de la fratrie, il a pas mal de responsabilités notamment vis à vis de ses parents, fermiers, à qui il donne une partie de ses revenus et vis à vis de ses sœurs, à qui il paye une partie des études. Son métier de guide il se voit le faire encore 10 ans maximum car c’est physiquement fatigant. Après, il aimerait tenir un petit hôtel, avoir sa petite affaire. Il nous questionne aussi sur nos jobs, notre rencontre etc...
Il nous parle aussi beaucoup du Népal. Les Népalais regrettent leur roi, assassiné en 2001. Depuis, les élections se succèdent sans grande stabilité et le gouvernement ne fait pas grand chose pour la population. Il faut dire qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses de l’état et que le Népal est sous perfusion, avec des aides de la communauté internationale. Le pays a une topographie compliqué, enclavé, cerné de montagnes et n’a pas de grandes ressources. La construction de barrages par exemple qui pourrait être positive pour l'économie du pays est limitée à cause du risque sismique majeur. Les Népalais sont assez proches culturellement des indiens et font plus de business avec eux qu’avec les Chinois (qu’entre parenthèses ils n’ont pas l’air de beaucoup aimer). Cependant, après le tremblement de terre de 2015, les indiens ont fermé la frontière pour limiter les réfugiés. Et vis à vis de cela, on sent qu’ils ont un peu de rancoeur.
Après cette journée bien remplie, nous mangeons un bon dal baht dans la cuisine, faute de place. C’est chouette car nous voyons la préparation des plats et Mme « Pupu », une Népalaise à la longue tresse et aux années d’expérience, gérer ses équipes dans une joyeuse cacophonie. Nous nous blottissons ensuite sous les couvertures, la nuit s’annonce froide.
Jour 74
Nous nous réveillons à 6h30 bien emmitouflés dans nos couvertures. Nous n’avons finalement pas eu froid!
Les montagnes sont déjà prises dans les nuages. Une éclaircie furtive nous permet de voir l’Annapurna Sud et le Fish Tail.
Nous prenons ensuite le chemin pour Ghandruk. Nous traversons de nouveau beaucoup de forêts, ici c’est le domaine des singes (des langurs sacrés). Nous en voyons de nombreux sauter d’arbres en arbres. Adorables avec leur petite face noire entourée de pelage blanc.
Nous traversons aussi une petite zone de plantations de thé et arrivons à Ghandruk à...11h30!!
Les temps de marche indiqués dans le topo du trek étaient de 5/6h par jour et au final on marche 3 voire maximum 4h. Les temps sont clairement sur-évalués. C’est un peu agaçant mais il faut le savoir avant de venir au Népal car c’est le cas pour tous les treks. S’il fait grand beau et que les sommets sont dégagés toute la journée on pense que ça ne pose pas trop problème mais si c’est nuageux comme aujourd’hui, ça peut devenir un peu long à la longue.
Le village de Ghandruk nous plait. La partie vieux village est agréable car habitée par les locaux et pas juste dédiée au tourisme. Il y a de jolies maisons typiques aux toits qui ressemblent à de l’ardoise avec des petites façades blanchies à la chaux. Les épis de maïs sèchent accrochés à la toiture. Nous voyons des petits bouts de chou jouer sur des balançoires artisanales. Les enfants ont des petits pyjamas polaires adorables et de petits bonnets de laine. On sent que la région est rude, les hivers doivent être glacials et à l’inverse pendant la mousson le guide nous dit qu’il y a beaucoup de glissements de terrain. Comme il y a peu de chemins bétonnés ça doit vite devenir des mares de boue.
Jun nous emmène faire un tour, à différents points de vue où l’on voit de nombreuses cultures en terrasse de millet et nous explique encore plein de choses sur le Népal: les différentes ethnies, la faune, la géographie du pays. L’après-midi sous les nuages passe ainsi plus vite. On rééchange beaucoup avec lui sur nos vies respectives. Il est très moderne dans sa vision des choses et au final on a le même âge et des rêves similaires. Il est juste bloqué par le poids des traditions et la pauvreté de son pays.
Petite parenthèse sur les drapeaux à prières. On en voit partout dans les temples, les monastères et dans la nature en forêt, au passage de cols. Les moines les installent comme des lieux de prière. On retrouve toujours 5 couleurs qui représentent les éléments: le rouge= le feu, le bleu=l’espace, le jaune= la terre etc...
Et parenthèse 2 complètement hors-contexte: aujourd’hui nous avons eu des nouvelles d’Anschul, notre ami indien de Jodhpur! Il a pu trouver un terrain d’entente avec ses parents et a pu rouvrir son hôtel. On est tellement heureux pour lui!!
Jour 75
Lever 6h15 pour apercevoir les montagnes avant que les nuages n’arrivent!! Nous montons sur les hauteurs du village de Ghandruk pour voir l’Annapurna Sud, le Huinchuli, le Gangapurna, l’Annapurna III et le Fish Tail.
Les montagnes enneigées dominent le village, c’est vraiment saisissant!
Nous profitons du spectacle un long moment et prenons notre petit-déjeuner face au paysage!
On observe les maisons du village. Chacun s’active de bon matin. Des hommes remplissent des paniers tressés qu’ils chargent sur le dos des mules. Nous voyons des petites faire leurs devoirs sur une petite natte dans la cour de leur maison. Elles sont adorables. Des femmes font sécher du millet dans la cour ou des légumes sur les toits.
Nous prenons ensuite la direction de Syauli Bazar, arrivée de notre trek. Le chemin est hyper agréable car nous traversons de nombreuses terrasses où nous pouvons voir la culture et la récolte du millet et du riz. Les paysans coupent le riz, le font sécher au sol puis forment des bottes qu’ils rassemblent sous forme de petites « huttes ». Ces huttes restent en place 10 jours pour que le riz soit bien sec avant d’être séparé de sa tige et stocké. Selon les endroits que nous traversons nous voyons les différentes étapes de la récolte. Magie de ces paysages si escarpés...
Nous marchons 3h environ et après une pause repas, nous reprenons cette fois un véhicule pour rentrer à Pokhara. Après 2 bonnes heures d’une route chaotique, nous arrivons à Pokhara sous des trombes d’eau et l’orage!! Nous avons eu de la chance de pouvoir finir le trek dans de bonnes conditions! Mais pas de doute, avec la dégradation météo, le camp de base de l’Annapurna ce n’était vraiment pas pour cette fois. Il y a neigé cet après-midi.
Nous ne regrettons pas le choix d’avoir pris un guide, même si objectivement le parcours pouvait se faire seuls. Avec Jun, nous sommes vraiment tombés sur le guide parfait, à la fois très présent mais discret, enthousiaste et nous faisant découvrir plein de choses sur son pays. La petite déception réside plus dans le fait de ne pas avoir pu profiter plus de la vision des sommets (mais face à la météo que faire sinon s’incliner? L’hiver arrive en avance cette année aux Népal) et dans les temps de marche qui étaient un peu trop courts à notre goût. Mais on ne retiendra que le meilleur: la découverte du trek pour Micka, les rencontres sympathiques et les paysages magnifiques qui se sont offerts à nous. Clairement, découvrir le Népal passe par le trek.
Nous nous offrons le soir un repas à l’occidental après 5 jours de dal Bhat consécutifs. Et une petite bière pour Micka histoire de fêter tout ça!!