Voyager au bout du monde et se sentir comme un enfant devant les merveilles de cette île : C'est ce que signifie un séjour perdu au milieu du Pacifique sur l'île de Pâques.
Du 1 au 6 septembre 2017
6 jours
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L'île de Pâques. Voilà un nom qui a fait rêver beaucoup de gens. Qui ne connaît pas les photos de ces monolithes trônant fièrement avec le regard porté à l'horizon ? Après avoir vu des documentaires ou des articles traitant de nouvelles découvertes, l'envie d'aller voir ce que cette minuscule île isolée au milieu de l'océan Pacifique peut offrir se fait de plus en plus pressante. Profitant d'un voyage de 15 jours en Equateur et de près de 3 semaines en Patagonie, je saute le pas et réserve mes billets pour un peu moins d'une semaine sur ce petit caillou au milieu de l'immense océan Pacifique. Je me demande ce que je vais trouver là bas. Le Paradis ? Une île tombée aux mains du tourisme de masse ? Le coin le plus mystérieux du globe ? En réalité un peu des trois.

Pour rallier l'île, deux solutions : un vol depuis Santiago ou un autre depuis Tahiti. Dans la capitale chilienne pour une journée, je quitte ma chambre alors que la pénombre englobe encore la plus grande ville du pays. L'impatience est à son paroxysme vu que je me la trimballe depuis déjà huit longs mois. C'est donc bien installé dans mon siège que j'aperçois les avions atterrir juste devant le nez de l'appareil. Puis vient notre tour de nous aligner. Les moteurs s'emballent, la piste défile, les toits commencent à être visibles et c'est parti pour 5h30 de vol. Ce jour-là, peu de nuages au-dessus de Santiago et les sommets des Andes qui entourent la ville apparaissent telle une majestueuse muraille.

Rapidement nous survolons le Pacifique, et jusqu'à l'arrivée le bleu de cet océan s'étendra à perte de vue, mis à part cinq minutes, lorsque l'avion fait un virage pour que l'on puisse voir sur le coté de l'appareil l'Archipel Juan Fernández. Un type barbue ayant décidé de se prendre des vacances prolongées seul sur une île plutôt que de vivre dans le chaos de son époque avec ses concitoyens donna le nom de l'île la plus à l'est : Robinson Crusoé.

L'avion entame sa descente, mais l'île n'est toujours pas en vue à cause d'une épaisse couche nuageuse. La trajectoire d'approche de l'aéroport permet de survoler le sud-est de l'île avant d'amorcer un virage serré pour faire un demi-tour complet. C'est pendant ce demi-tour qu'il est possible de voir l’île dans sa totalité. Le virage est prononcé et, à basse altitude, l'avion est secoué par des rafales de vents.

Me voilà sur le tarmac et face au terminal de cet aéroport minuscule mais avec énormément de charme. il faut dire qu'avec deux vols au maximum par jour, il n'y a pas besoin de gigantesques salles d'attente. Un moaï est visible comme pour nous souhaiter la bienvenue. L'aéroport ressemble plus à un hangar quand on le regarde de l'extérieur. Ce premier dépaysement m'amuse, et la température ambiante ainsi que la vision de palmiers un peu partout me font enfin réaliser où je suis.

Je ne sais pas trop à quoi m'attendre en débarquant ici. Je m'attends à trouver une île paradisiaque avec de grandes plages, mais en survolant et en apercevant les falaises abruptes et le littoral abîmé, j'ai compris aussitôt que ce ne serait pas le cas. L'île est aussi plus verte que ce que j’imaginais malgré le climat tropical qui baigne cette partie du Pacifique.

J'ai loué une petite chambre dans une guesthouse et il me faut environ une dizaine de minutes de marche pour y arriver depuis le terminal. Il fait chaud, mes sacs sont lourds, je transpire comme un dingue et je commence à râler… Mais bon, dix minutes ça passe vite ! Je suis un peu excentré du centre ville, mais peu de voitures empruntent ces routes et chemins de terre plongeant cette partie du village dans un calme absolu. Pas l'temps de niaiser, direction Hanga Roa, la "capitale" de l'île.

Mon objectif pour la fin de journée est de faire un petit tour pour me familiariser avec les lieux, réserver une voiture pour les jours suivants et acheter mon ticket d'entrée pour le parc national. On peut l'acheter aussi directement à l'arrivée à l'aéroport mais étant descendu de l'avion dans les derniers, la longue queue devant le comptoir m'a totalement découragé. Le ticket donne accès à toute l'île ainsi que l'entrée au village cérémonial d'Orongo et la carrière de Rano Raraku.

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L'île de Pâques, Isla de Pascua ou Rapa Nui dans la langue autochtone, appartient au Chili mais se situe à environ 3700 km à l'ouest de ses côtes. Il faut presque 5h de vol pour y atterrir depuis Santiago. Seule la compagnie LATAM est autorisée à effectuer des vols, permettant en théorie de contrôler le flux touristique. Même si administrativement elle est attachée au continent Sud Américain, elle fait en réalité partie de la Polynésie. Elle en est même l'île la plus orientale. De part sa situation géographique, elle est considérée comme l'une des terres habitées les plus isolée du monde car la plus proche se trouve à plus de 2000 km.

Le drapeau présent sur les édifices officiels est celui du Chili mais l'île possède également son propre drapeau que l'on peut souvent voir sur les habitations et sur les voitures. Le symbole présent sur celui-ci est un reimiro, un pendentif en forme de croissant avec deux visages humains aux extrémités s’observant, qui était réservé à l'aristocratie de l'île.

Sur l'île se trouvent en tout 887 moaïs et 289 plateformes cérémonielles, ou ahus, sur lesquelles sont, ou ont été dressés, les fameux monolithes. La majorité des ahus se situent au bord des côtes mais l'on retrouve des moaïs parsemés un peu partout sur l'île et dans les terres. Cependant ils ne sont pas tous facile à repérer car beaucoup sont renversé ou ensevelis par le temps et les éléments.


La formation de l'île

Habitée depuis seulement quelques siècles, l'île de Pâques est apparue il y a environ 3 millions d'années ; elle est formée de quatre volcans : le Poike, le Rano Kau, le Rano Raraku et le Terevaka. Normalement les volcans se forment aux limites des plaques tectoniques mais ici la formation résulte d'un point chaud.

Instant Prof de SVT (en vacances) : Un point chaud est une zone où le magma arrive à se frayer un chemin à travers le manteau et la lithosphère pour atteindre la surface. Le point chaud reste fixe mais comme les plaques sont mobiles, les éruptions successives vont permettre de créer des îles ou des chapelets qui seront alignés. Ainsi le premier volcan formé se retrouve décalé et comme il ne sera plus à la verticale de la remontée de magma, il cesse d'être alimenter et va donc devenir inactif. Lorsque que le magma remonte à un nouvelle endroit, il peut former une nouvelle île où , comme cas ici, agrandir l'île si la lave en surface rejoint les volcans précédemment formés. Les Canaries, la Réunion, les Açores et Hawaï sont tous des points chauds.

Il y a 3 millions d'années, le Poike est entré en éruption et lorsqu'il est sorti au dessus de la surface de l'eau, il a formé la partie sud-est de l'île. Deux millions d'années plus tard ce fut au tour du Rano Kau de former la partie ouest. Il y a environ 400 000 à 300 000 ans la lave émise par le Terevaka permit aux trois volcans de se rejoindre et de créer une île triangulaire. Ce dernier en est le point culminant.


Les premiers habitants et guerres tribales

On estime que le peuplement initial de l'île aurait eu lieu entre 400 et 1200 ans. Les premiers habitants seraient originaires des îles Marquises situées à plus de 3000 km à l'ouest. Selon la principale légende, le roi déchu Hotu Matua est venu s'installer sur l'île avec son épouse, après que sept éclaireurs l'ont découverte. Rapidement les habitants auraient instauré une société reposant sur le culte des ancêtres. C'est dans le cadre de ce culte que les premiers moaïs furent érigés ainsi que les ahus en majorité le long du littoral. Cependant une crise environnementale puis tribale se serait déclenchée vers 1600, plongeant peu à peu l'île dans le chaos et participant au début de son déclin.

Selon certaines hypothèses, une guerre tribale aurait eu lieu au XVIIème siècle entre les clans. Elle fut sans doute provoquée par plusieurs bouleversements climatiques et une surexploitation des ressources naturelles entraînant leur raréfaction. Les habitants originels étaient appelés les "hanau momoko" c'est à dire les "Grandes Oreilles" et furent les bâtisseurs des Moaïs. Plus tard, une autre tribu d'origine mélanésienne, les "hanau eepe" ou les "Courtes Oreilles", débarqua à son tour.

Ils furent cantonnés dans la partie Sud-Est où il était difficile de pêcher et de cultiver en abondance. Leur population a rapidement augmenté et les ressources vinrent à manquer. Ils demandèrent aux "Longues Oreilles" la permission de cultiver d'autres terres, mais celle-ci ne fut pas accordée. Les guerres commencèrent au cours desquelles les ahus et les moaïs furent profanés et renversés.

Ils abattirent également les arbres afin d'empêcher leurs adversaires d'ériger les moaïs et de construire les pirogues. Afin d’apaiser les clans, les cultes du dieu Make-Make et de l'homme-oiseau, chef de l'île pendant un an suite à une victoire dans une épreuve sportive, supplantèrent le culte ancestral.


La découverte de l'île par les Européens

Bien affaibli par les nombreuses guerres, une série d'évènements allait porter le coup de grâce. Comme d'habitude à cette époque, les fameux évènements sont en lien avec l'arrivée des européens. Le dimanche de Pâques 1722, l'explorateur hollandais Jakob Roggeveen débarqua lors d'une expédition alors qu'il était chargé de découvrir la Terra Australis, un continent imaginaire évoqué par Aristote depuis -300 av JC.

En 1770, ce fut au tour d'une expédition de la couronne espagnole de débarquer et d'annexer cette terre. Puis quelques années plus tard, le Français La Pérousse accosta au cours de son tour du monde. Malheureusement en environ un siècle, la population Rapa Nui passa de 2500 individus à seulement 111. à cause des maladies transmises par les Européens comme la tuberculose mais surtout les esclavagistes qui en moins de cinq ans déportèrent près de 1500 personnes pour les faire travailler dans certaines îles péruviennes.

Une mission catholique s'installa sur l'île afin de christianiser la population restante, puis vint le tour des éleveurs français de mettre la main sur l'île. Ces derniers feront fuir les missionnaires et réduiront les derniers Rapa Nui de l'île en esclavage afin de récupérer leurs terres, d'importer des animaux et d'établir un gigantesque élevage. En 1888, l'île fut annexée par le Chili qui dans un premier temps parqua les Rapa nui dans une réserve spécialement dédiée puis progressivement accorda la nationalité chilienne aux habitants pour enfin déclarer que l'île était devenue un territoire spécial.

C'est ainsi qu’aujourd’hui, l'île possède son propre parlement. De par son histoire tourmentée, des voix pour l'indépendance s'élèvent ou pour que le parc national Rapa Nui soit administré par les Rapa Nui eux-mêmes et non pas par une institution chilienne qui, selon leurs dires, profiterait allégrement des revenus générés mais ne reverserait qu'une part assez faible aux habitants.

De nombreux hôtels ou constructions jugées illégales, et toutes possédées par des promoteurs ne vivant pas sur l'île cristallisent les tensions et les manifestations, slogans ou revendications sont souvent visibles le long des bâtiments longeant la côte.

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Quelque soit le pays où elle se situerait, Hanga Roa aurait le statut d'un (grand) village. Elle est bordée par la mer mais également entourée de plusieurs collines. Il y a deux ports dans la localité. Le premier, Hanga Piko, est situé à la sortie de la ville en direction de l'aéroport. C'est un petit port où seulement quelques bateaux sont amarrés. Au milieu trône un moaï assez imposant. Au large de ce port se trouve "le moaï immergé", qui n'est pas un moaï original mais un datant de 1994 lorsque Kevin Reynolds tourna son film (raté) "Rapa Nui". Laissé sur place, il fait maintenant le bonheur des nombreux clubs de plongée le long de la côte.

En continuant de longer le littoral, j'arrive sur l'Ahu Mata Ote Vaikava constitué d'un seul moaï mais qui présente la particularité d'avoir des yeux. Un peu plus loin, je passe devant le camping Mihinoa, plutôt désert en cette période, où l'on peut louer des tentes juste sur le front de mer. J'arrive rapidement au deuxième port situé à quelques encablures du centre ville. C'est ici que se trouve trois moaï, dont un seul constituant l'Ahu Tautira. Devant cet Ahu se trouve un panneau sur lequel on peut lire que le nom original est "Ahu Kopeka Tae Ati". En général ces moaï sont les premiers découverts par les touristes quand ils arrivent sur l'île. C'est également ici qu'on peut de se baigner à la "Playa Pea" car les petites digues protègent les baigneurs de la houle faisant la joie des surfeurs de l'autre coté du port. Des panneaux visibles de tous sont régulièrement installés indiquant les risques de tsunamis et le chemin d'évacuation le plus proche.

C'est à cet endroit que je m'arrête pour manger dans un petit restaurant. Juste en face de celui-ci, se trouve le stade municipal où un match de première division insulaire est en train de se dérouler. Bon clairement, ce n'est pas la Ligue des Champions et ça ressemble plutôt à un match du dimanche dans nos bleds paumés, mais je profite donc de cette partie inattendue pour m'installer sur la terrasse et suivre le jeu. Deux papys à côté sont en désaccord et commencent à se disputer tout doucement! Ah… le hooliganisme polynésien !!! Ensuite, direction un "supermarché" pour acheter quelques bricoles.

Le coût de la vie sur l'île est élevé pour la simple et bonne raison que tout doit être importé. On mange donc en fonction des arrivages et c'est sur la nourriture que le prix se répercute le plus. Ainsi il n'est pas rare de s'en sortir pour quasiment le double lorsque l'on fait des courses avec des produits de première nécessité. Avec 15€ pour une salade, les produits frais dans les restaurants n'échappent pas non plus à ce phénomène.

La ville a un système de rues comme sur le continent américain, c'est-à-dire que la majorité sont perpendiculaires les unes aux autres. La ville s'articule autour d'une rue principale, Atamu Tekena, sur laquelle on retrouve la plupart des magasins de souvenirs, les banques, les tatoueurs et les restaurants. L'artère principale part de l'aéroport pour rejoindre le port. Lorsqu'on la descend, on passe devant la poste où il est possible de faire tamponner son passeport.

A l'opposé du port se trouve l'église Santa Cruz. Elle a la particularité de mélanger les différentes religions qui sont ou ont été présentes sur l'île. Ainsi, on peut noter la présence de croix chrétiennes mais également des motifs de l'Homme-Oiseau et des inscriptions en Rongo-Rongo. La messe du dimanche dans cette église est paraît-il surprenante puisque tous les chants sont en langue Rapa Nui sur fond de rythmes typiquement polynésiens.

Retour donc au port d'où part un chemin de terre menant au cimetière local. C'est un cimetière polynésien avec des croix chrétiennes côtoyant des sculptures locales et même quelques moaï de couleur claire pour l'occasion. Le lieu est agréable et paisible avec en fond l'océan, et c'est juste à côté que se trouve le site archéologique et important le plus proche d'Hanga Roa : l'Ahu Tahai.

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A côté du cimetière se trouve le site d'Ahu Tahai. Il faut savoir que comme tous les moaï ont été renversés, ceux que l'on peut voir debout ont été redressés lors des diverses campagnes de restauration des sites archéologiques de l'île. Cet ahu est composé de trois plateformes distinctes :

Ahu Vai Uri : composé de cinq moaï dos à la mer dans un état des conservation plus ou moins précaire à tel point que trois sur cinq présentent des fractures importantes sûrement dues à leur chute.

Ahu Tahai : constitué d'un seul moaï, auquel le site doit son nom, très fragilisé lui aussi.

Ahu Ko Te Riku : constitué également d'un seul moaï, il a été restauré dans les années 70 par un archéologue américain. Il possède la particularité d'avoir des yeux restaurés. Ils sont constitués d'un morceau de corail blanc et d'un morceau d'obsidienne ou de tuf. Son autre particularité est sa coiffe qu'il porte appelée "Pukao".

Les ahus pouvaient être des lieux de sépultures, c'est pour cela qu'il est formellement interdit de marcher dessus au risque de se le faire rappeler assez vigoureusement à l'ordre par les Rapa Nui pour qui cet acte est un grand manque de respect à leur culture. En étant sur ce site complètement seul, on a le sentiment d'être face à l'histoire. Même si leur taille n'est pas très impressionnante, il y a comme une aura qui s'en dégage et je suis resté une bonne demi-heure assis à les contempler, seulement dérangé par quelques chevaux sauvages qui venaient brouter dans le coin.

Si l'on continue de longer la côte sur quelques kilomètres, un nouveau site apparaît : Ahu Tepeu. Ce sont les ruines d'un ancien village avec des maisons-bateaux. Elles sont appelées comme cela à cause de leur forme ressemblant à un canoë. A proximité se trouvent deux ahus complètement détruits avec quelques moaï ensevelis mais laissant parfois dépasser leurs têtes. Malheureusement je n'ai pu prendre qu'une seule photo avant que la batterie de mon appareil rende l'âme. Et comme ci cela ne suffisait pas, j'avais laissé mon téléphone dans la chambre… pour le coup j'ai activé le mode "Super Boulet" !

Après ce détour fort intéressant, je suis retourné sur le site d'Ahu Tahai pour assister au coucher de soleil. Je n'étais pas seul, car c'est un coin très prisé des touristes étant donné que le soleil se couche derrière les plateformes, leur donnant une aura totalement différente de celle du matin. Il faut bien avouer que ce coucher de soleil est majestueux et romantique. Peut être trop, vu la scène se déroulant à quelques mètres seulement de moi…

A côté du site se trouve un parc avec des statues et des pétroglyphes de la culture Rapa Nui. Ces dessins symboliques sont gravés généralement dans leur dos. C'est également ici qu'en début d'année se déroule le festival le plus important dans la culture locale avec des épreuves sportives et des traditions culturelles ancestrales. C'est sur les derniers rayons du soleil que je rentre car j'ai une journée chargé le lendemain avec la visite de deux sites importants pour la construction des moaï : les deux carrières volcaniques d'où ils sont originaires.

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Les sites en question étant éloignés de la ville, je vais récupérer la voiture afin de traverser l'île. Pour environ 55 € la journée, j'ai un des petits 4x4 Suzuki que l'on voit partout sur l'île. Vu la météo de la semaine, un véhicule de la sorte n'était pas vraiment nécessaire mais lorsqu'il pleut, cela peut s'avérer utile lorsque l'on emprunte des routes secondaires généralement en terre.

Direction dans un premier temps la carrière de Rano Raraku à une vingtaine de kilomètres. Il faut environ 30 minutes pour faire le trajet car les routes ici sont limitées au maximum à 70km/h pour ne pas risquer d'entrer en collision avec les nombreux animaux domestiques en libre circulation sur l'île. La route que j'emprunte est celle qui longe le littoral sud. Il est totalement dénué de végétation mais parsemé de débris volcaniques rappelant le passé de l'île. Cependant tout au long de la route, aucune plage ou même crique pour se baigner n'apparaît à cause des rochers tranchants sur lesquels s'écrasent les vagues.

La route est en parfait état et je me retrouve à slalomer entre des vaches qui ont décidé que la chaussée était l'endroit idéal pour se reposer et se dorer la pilule. J'arrive enfin à Rano Raraku. Ce volcan est visible de loin car il est localisé au milieu d'une plaine sans aucune colline autour. On aperçoit déjà des roches qui sortent de terre sur un de ses côtés. Elles s'avèrent être les moaï taillés à même le flanc du volcan.

Rano Raraku est "l'usine de moaï" car 95% d'entre eux proviennent de cette carrière. Il y en a sur l'île 887 recensés dont 288 placés sur un ahu. A cela s'ajoute 92 abandonnés lors de leur déplacement et une dizaine dispersés dans des musées à l'étranger. Disséminés dans toute cette carrière, ce ne sont pas moins de 397 moaïs qui sont restés en l'état. On dirait presque qu'ils sont restés figés en attendant le retour des tailleurs reprenant leurs outils pour ajouter les touches finales.

L'accès au site est réglementé : il faut présenter à l'entrée son ticket et le garde du parc y apposera un tampon. Comme une seule visite du lieu est autorisée, il est important de bien choisir le moment, la lumière jouant énormément sur le ressenti du lieu (apparemment). On entre donc dans la carrière et là surprise... des dizaines de tête de plusieurs mètres de haut dépassent du sol tout en scrutant les visiteurs pénétrant sur le site. Le spectacle est assez grandiose mais plus je marche au milieu et plus je suis happé par ce spectacle unique et incroyable. Ce lieu est l'essence même, l'âme, de cette île.

Sur la droite sont présents des moaïs couchés au sol et cassés en deux. Au cours de la visite il est impératif de suivre le sentier. C'est ici qu'il est possible de voir les différents stades de taillage des moaïs. Certains sont terminés alors que d'autres sont encore couchés dans leur lit de basalte.

J'avais entendu dire que le site, l'un des plus importants de l'île et le plus mystique, était souvent bondé de touristes et que de ce fait, l'atmosphère s'en trouvait changée. J'ai donc eu la chance ce jour-là d'avoir le site presque pour moi tout seul, puisque l'on était moins d'une dizaine sur la totalité des sentiers. C'est vraiment le coté positif de la hors saison, j'ai du mal à imaginer comment profiter pleinement avec presque 3 fois plus de personnes dans le coin. Il est vrai que déambuler au milieu de ces géants de pierre et d'imaginer les Pascuans les tailler et surtout les déplacer vue leur taille m'a laissé un peu perplexe.

Je continue ma visite en prenant de la hauteur et je commence à avoir une vue d'ensemble de la partie extérieure de la carrière. Il y a des têtes littéralement partout où mon regard se pose. C'est d'ailleurs dans cette partie du site que les plus célèbres clichés ont été pris, que l'on retrouve sur les brochures touristiques vantant cette île, et je pense que ce n'est pas un hasard. Je note qu'ils ont tous une sorte d'air hautain en m'observant de si haut... Malheureusement je suis pressé et je n'ai pas le temps de soutenir leur regard, mais je suis persuadé qu'ils auraient baissé les yeux avant moi !

Pourquoi certains sont ensevelis, d'autres penchés ou encore couchés ? Qu'est-ce qui pourrait expliquer cela ? Il s’avérerait qu'avec le temps ils se seraient enfouis progressivement ou que certains événements comme des raz de marée auraient contribué à ce phénomène. Les moaï étaient, dans un premier temps, grossièrement taillés, allongés au cœur même de la carrière afin de pouvoir sculpter les détails du visage, le torse et les bras. Puis la sculpture était détachée de la roche pour être glissée dans un trou afin de la mettre sur pied et terminer de la polir et d'inscrire des pétroglyphes. C'est d'ailleurs ici que le plus grand moaï de l'île se situe avec des dimensions colossales : 21 mètres au total avec une tête de 7 mètres pour un poids qui serait estimé à environ 200 tonnes.

En continuant à grimper, j'arrive devant un des moaï le plus intéressant du site et même de l'île : Tukuturi. Il est intéressant car il ne ressemble à aucun autre. En effet cette statue est la seule à posséder un corps complet et fait encore plus étrange, elle est en position agenouillée avec les bras long de ses cuisses. Son nom veut d'ailleurs dire "être assis en pliant les genoux pour que les fesses soient appuyées sur les jambes". Pour accentuer encore plus les différences, la pierre dans laquelle elle est sculptée ne vient pas de cette carrière mais de la carrière de Puna Pau située à presque une dizaine de kilomètres de là. Une autre spécificité est sa tête arrondie qui contraste avec la tête plutôt schématisée des autres sculptures sur l'île. En s'appuyant sur toutes ces différences, les scientifiques se sont interrogés sur l'origine de l'inspiration pour tailler une telle statue.

Il apparaît que dans les îles polynésiennes, seule une autre statue de ce type a été retrouvée et vient des îles Marquises. Ceci pourrait donc être une preuve de l'origine des premiers Pascuans et attester qu'ils venaient bien de ces îles-là et non du Pérou comme certaines thèses l'affirment. Une autre théorie serait que les Marquisiens seraient venus jusqu'à l'île pour la sculpter et repartir après. Enfin la dernière serait que cette statue est plus récente que les autres et aurait été taillée lors de l’évangélisation de l'île lors des échanges avec Tahiti. Des ouvriers tahitiens impressionnés par les moaï auraient taillé cette dernière pour montrer qu'eux aussi été capables de bâtir des statues.

En redescendant, j'aperçois la péninsule du Poike avec l'Ahu Tongariki (le plus grand de l'île), que j'irai voir le lendemain. Il est temps d'aller vers le deuxième point d'intérêt du site. Il faut retraverser toute la carrière pour accéder au cratère du volcan. Au centre du cratère se trouve désormais un lac. Malheureusement il est impossible d'en faire le tour car la zone est protégée. Je l'ai appris à mes dépens. En voyant une barrière sur le sentier je me suis logiquement dit que je pouvais aller jusqu'à celle-ci, mais le surveillant qui ronflait sous un arbre s'est réveillé, m'a crié dessus alors que j'étais à une dizaine de mètres des rondins de bois bloquant le chemin et s'est aussitôt rendormi. Il faut dire qu'hurler sur les visiteurs ça pompe de l'énergie ! Bon pas grave, du mirador on peut quand même apercevoir des têtes dépassant là aussi du sol. C'est un endroit agréable et très important à visiter pour comprendre l'histoire de cette île et de ses cultes et traditions. Le site est vraiment bien conservé et c'est de loin l'un des lieux les plus impressionnant où déambuler.

Je reprends la route et longe de nouveau la côte en sens inverse jusqu'à arriver à un site en bord de mer. Il s'agit du site de Vaihu avec pas moins de huit moaï face contre terre en lieu et place de l'ahu principal. Ce site cérémonial que l'on peut aussi appelé Ahu Hanga Te'e est la parfaite illustration de ce qui se passa durant la période de troubles qu'eut à subir l'île durant la guerre des clans où les statues furent renversées. En face de l'ahu se trouve un cercle de pierres appelé paina. C'est à l'intérieur de ce cercle qu'avaient lieu des rituels commémoratifs anciens en l'honneur des ancêtres. Les huit moaï sont donc renversés mais ils étaient tous coiffés de pukaos. Ils ont été renversé pour humilier les perdants, rien n'étant plus offensant que de s'attaquer directement à leurs croyances ou divinités.

Lors de leur effondrement les pukaos ont, pour certains, roulé jusqu'au bord de la petite baie adjacente. Il fallait avoir de la puissance et de la rage pour pouvoir faire basculer ces blocs de pierre de plusieurs tonnes au point qu'ils se retrouvent échoués à quelques dizaines de mètres de l'autel.

Je reprends la route direction une autre carrière d'où ont été extraits ces fameux pukaos. Puna Pau, qui est situé sur les hauteurs d'Hanga Roa, est un petit cône volcanique mais suffisamment grand pour l'exploiter sous forme de carrière. En arrivant sur le site, et après le traditionnel tamponnage de ticket, j'emprunte un petit sentier qui monte jusqu'à un mirador à partir duquel il est possible d'avoir une vue sur le site mais également sur la ville en contrebas et les environs. Là-bas, pas un seul immeuble, tout au plus de grandes maisons sobres à un étage.

Ce volcan est l'unique endroit de l'île où de la pierre rouge, la scorie, peut être extraite. Il reste sur le site quelques pukaos qui n'ont pas eu le temps de trouver preneur. En regardant les sites où on en retrouve, il fallait parfois parcourir plus d'une dizaine de kilomètres dans des paysages vallonnés pour les emmener à leur destination finale. Il en fallait de la motivation à l'époque...

Retour à Hanga Roa pour une soirée un peu particulière. L'île de Pâques étant une île polynésienne, les tatouages sont plutôt en vogue. Je rentre donc dans le salon "Kakaia" tenu par un Marquisien pour avoir des informations. Malheureusement le manque de temps et un agenda chargé de son côté feront que je ne pourrai pas me faire douloureusement encrer ici...

La discussion commence en parlant déjà des tatouages du même style que les miens, puis de musique, enfin de la France et des expériences que ce tatoueur a eues lorsqu'il vivait en métropole, le tout, pendant qu'un chilien se faisait tatouer l'épaule. Ce même chilien, qui apparemment souffrait silencieusement au vu des grimaces de son visage mais qui reprenait du poil de la bête et de la fierté en levant le pouce dès qu'il s’apercevait que je le regardais amusé, profitera d'une pause pour aller acheter des bières afin de trinquer à notre santé (et son calvaire). Ce fut une soirée assez inattendue mais vraiment fun et mon seul regret a été de ne pas pouvoir immortaliser ma venue avec un tatouage... Mais bon ce n'est que partie remise !

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Deuxième jour au volant de la voiture de location et c'est reparti pour une nouvelle traversée de l'île à la rencontre de trois autres sites majeurs, trois ahus très différents les uns des autres. Tous se présentent sur le même modèle comprenant 3 étages :

  • la place avec les galets ronds qui est plate appelée l'aile de la plateforme qui était le lieu de cérémonie lors des festivités à l'occasion de naissance mais aussi de décès.
  • une plateforme plus courte avec un plan incliné qui contient des chambres mortuaires où les restes des dignitaires reposent. A l'origine, les morts étaient incinérés mais par manque de bois la coutume a changé. Les restes étaient mis à sécher pendant une année complète derrière l'ahu. On récupérait les os, les nettoyait et on les mettait dans des bols en pierre appelés havenga que l'on plaçait dans les chambres mortuaires.
  • l'étage où étaient érigés les moaï

Le premier site se trouve de l'autre côté de l'île, à proximité de la plage d'Anakena, une des deux seules plages de sable blanc où il est possible de se baigner. Cette plage ressemble typiquement à une carte postale et lorsque je vois les cocotiers, il est évident que ce lieu rappelle l'idée que l'on se fait de la Polynésie et des plages de rêves. Il y a déjà du monde en cette fin de matinée vu qu'il fait beau et même plutôt chaud, temps parfait pour pouvoir piquer une petite tête. Comme partout sur le site il y a un garde à l'entrée qui vérifie si l'on est bien en possession du ticket du parc et qui me (re)donne les consignes de respect des sites. La plage d'Anakena est, selon la légende, le point de débarquement de Hotu Matu'a, le chef marquisien qui avait envoyé les 7 explorateurs à la recherche d'une nouvelle terre où vivre.

Je déambule entre les cocotiers jusqu'à atteindre les ahus. Le premier, l'ahu Ature Huki ne contient qu'un seul moaï en assez mauvais état et peu photogénique. le second par contre l'ahu Nau-Nau, est l'un des sites les mieux restaurés avec ses 7 moaï, donc 4 avec des pukaos. Ce ne sont pas les plus grands mais ce sont certainement les plus détaillés. Lorsque l'on contourne l'ahu, on peut apercevoir sur les dos des statues la présence de gravures. Lorsqu'elles ont été renversées, elles sont tombées sur le sable et ont été peu à peu ensevelies et donc protégées de l'érosion.

Sur le mur de pierre qui forme la base, plusieurs pétroglyphes représentent des oiseaux et d'autres animaux, comme des lézards ou des singes. On peut également apercevoir qu'une tête de moaï est présente parmi les blocs constituants le socle de la plateforme (l'ancêtre du recyclage ?).

Il est maintenant temps d'aller piquer une petite tête, et malgré la saison, l'eau est vraiment très bonne. Vu la clarté de l'eau, j'en profite pour essayer d'observer quelques poissons tropicaux mais nada de chez nada. Bon j'aime bien les défis mais évidemment sans masque et tuba c'était perdu d'avance. Après cette pause fraîcheur et détente, je ne m'éternise pas pour bronzer sur la plage et je vais vers les petites cases qui font office de bars/restaurants pour ensuite manger au pied d'un cocotier après avoir une nouvelle fois casser mon PEL...

Je reprends la voiture pendant environ 10 kilomètres pour arriver à l'Ahu Tongariki, la plateforme la plus majestueuse de l'île. Il se situe en bord de mer à environ 2 kilomètres de la carrière de Rano Raraku. C'est en faisant le tour que je me rends compte à quel point ils sont grands et imposants, le cadre aidant beaucoup entre un volcan et une mer d'un bleu tirant sur le turquoise. La plateforme mesure plus de 250 mètres de longueur, la plus grande de toute la Polynésie, et accueille des géants. Un des moaï atteint les 15 m de haut pour un poids de 86 tonnes, ce qui en fait le plus haut et le plus lourd de l'île achevé et érigé.

Chacune de ces statues est différente et il y a deux hypothèses qui pourraient en expliquer la raison. La première serait que 15 des 18 fils du roi Hotu Matu'a soient représentés ici. La seconde serait qu'ils représentent différents ancêtres, alors les tailleurs auraient essayé de leur donner une touche de véracité pour pouvoir les distinguer.

Comme pour les autres ahus, celui-ci a également été renversé mais il a eu encore moins de chance car il l'a été à deux reprises. Après avoir été restauré une première fois, un tremblement de terre d'une magnitude 9,5 sur l'échelle de Richter, a frappé la côte chilienne en 1960 et a également provoqué un important tsunami dans l'océan Pacifique. Certaines vagues ont mesuré jusqu'à 11 mètres de haut et lorsqu'elles ont frappé l'ahu, ont traîné les moaï sur une centaine de mètres à l'intérieur des terres. Ceci a engendré des dommages très importants sur la totalité de la structure.

Le projet pour le restaurer a été estimé à deux millions de dollars, somme qui a été fournie par le gouvernement japonais. Le chantier a commencé en 1993 et a duré cinq ans. Lors de cette campagne, les fouilles ont permis la découverte de 17 autres moaï complètement détruits sur le site, qui ont servi a bâtir le socle de l'ahu comme cela se faisait couramment avant. C'est une sorte de recyclage des matériaux sur les sites de construction d'ahus qui en abritaient déjà un.

En reconnaissance de l'aide fournie par le gouvernement japonais, le moaï situé à l'entrée du site a été envoyé au Japon pour être prêté à des expositions à Osaka et à Tokyo. En raison de ce voyage épique, les insulaires ont commencé à le surnommer le "Moaï Voyageur", car les locaux eux, ne doivent jamais quitter l'île. Au centre du site, il est possible de voir un moaï allongé sur le dos. Comme ses orbites ne sont pas taillées, il ne se trouvait donc pas sur la plateforme d'origine. En effet, une fois positionné debout c'est à ce moment précis que les orbites étaient finalisés. Il est probable que cette statue soit tombée et se soit cassée pendant le transport depuis la carrière.

En route pour le troisième et le dernier de la journée. Je reprends pour cela la route qui mène à la carrière de Puna Pau, mais je continue plusieurs kilomètres sur une chaussée alternant entre chemin de terre et asphalte. Je croise un homme avec un drone gigantesque, mais comme c'est interdit sur l'île, je me demande ce qu'il arrivera à son drone s'il se fait chopper. J'arrive et, une fois n'est pas coutume, je présente mon ticket.

L'ahu Akivi est le seul à l'intérieur des terres, et de fait, le seul face à la mer. Constitué de sept moaï, cet ahu s'appelle en réalité "Atiu", l'ahu Akivi est situé plus loin dans les collines. L'erreur de nom viendrait d'une erreur de lecture de carte lors d'une campagne de rénovation archéologique. D'une longueur d'environ 90 mètres, sur laquelle se trouvent sept moaï d'une hauteur approximative de 4 mètres, le design de ces derniers est très homogène, ce qui suggère qu'ils ont été sculptés et érigés en même temps.

Sa position à l'intérieur des terres, le regard en direction du soleil couchant et leur nombre ont fait jaillir l'hypothèse qu'ils représenteraient les sept explorateurs ayant découvert l'île. Or, d'après ce que j'ai compris, cette théorie ne reposerait sur aucun fondement, mais serait tirée de la tradition orale contée de génération en génération, et serait maintenant reconnue comme vérité historique, à tort donc.

Cet ahu, même s'il ne représentait pas les sept explorateurs, présenterait un autre intérêt de par son orientation par rapport à certains repères astronomiques. Il est aligné avec les points où le soleil se lève au printemps et à l'automne lorsque ont lieu les équinoxes. Les Pascuans auraient donc pu très bien se servir de cette plateforme pour étudier le mouvement des étoiles et du soleil.

L'une des questions toujours sans réelle réponse est de savoir comment les moaï étaient transportés de la carrière jusqu'aux différents sites. Comme les Européens sont arrivés à une période où leur fabrication s'était arrêtée, les réponses se trouvent dans les traditions orales et dans les théories scientifiques. La méthode la plus simple est le transport horizontal où l'on positionne le moaï sur une plateforme ou des rondins en bois et on tire à même le sol. Une scientifique a remarqué que dans la carrière, les moaï ont une base plate alors que ceux couchés sur le site ont une base arrondie et abîmée à cause d' une friction. Elle a émis l'idée que le moaï était directement sur le sol avec des cordages au niveau de la tête de chaque coté. Puis en alternant, les hommes tiraient chacun d'un côté à plusieurs reprises pour le faire avancer. Il fallait seulement 40 à 50 personnes pour transporter ceux pesant environ 20 à 30 tonnes.

En Polynésie, le monde spirituel est très présent, et selon les récits, le roi avec son pouvoir surnaturel les faisait marcher. En réalité, on posait le moaï verticalement au milieu d'une plateforme en bois et on le fixe avec des cordages aux angles pour le stabiliser et l'on tire la plateforme à même le sol. La dernière théorie est celle impliquant les OVNI et les extra-terrestre, mais peu de crédit lui est accordée, et l'on se demande vraiment pourquoi...

Pour les relever et les positionner sur l'ahu, grâce à un levier, la tête est soulevée et des cailloux sont placés en dessous. Puis les pierres sont entassées sous la totalité de la structure jusqu'à ce que cette dernière soit debout. Il ne reste plus qu'à mettre les pukaos sur les têtes. De façon très simple malgré le poids, ils seront roulés sur la rampe à la force des bras jusqu'à la tête. Mais selon les scientifiques, cette technique est bien trop compliquée et pour eux, les pukaos étaient fixés avant le redressage à l'aide de cordages et l'ensemble était soulevé en même temps.

7

Le départ approche à grands pas, il me reste une journée et demi pour profiter de l'île. Aujourd'hui au programme c'est l’ascension jusqu'au village cérémonial d'Orongo situé au sommet du cratère de Rano Kau. Je pars de mon hôtel, traverse Hanga Roa, contourne l'aéroport et je longe le littoral à l'Ouest. L'aller jusqu'au sommet comprend 8 km de marche pour un gain d'altitude d'environ 280 mètres : une petite ballade sous un soleil qui, pour la première fois du séjour, tape vraiment fort.

Avant d'atteindre le sentier grimpant sur les premières pentes du volcan, je traverse des zones côtières contenant énormément d'hôtels, des parcs pour enfant au design très local ainsi que des aires de points de vue donnant directement sur les falaises formant la pointe occidentale de l'île.

C'est parti pour l’ascension par le sentier nommé "Te Ara O Te Aro" qui signifie littéralement "le chemin chargé d'Histoire" ! Chargé d'Histoire car le sentier est le même que celui emprunté depuis 150 ans par les hommes afin de célébrer le rituel de l'Homme-Oiseau au village cérémonial d'Orongo. En le suivant, je traverse plusieurs types de paysages. Dans un premier temps, c'est un jardin et un centre des visiteurs de la CONAF qui s'offrent à moi dans lequel sont cultivés les toromiro, arbres sacrés de l'île, qui ont pratiquement tous disparu durant la phase de déforestation. J'arrive ensuite au milieu de terres recouvertes seulement de hautes herbes à moitié brûlées qui offrent enfin les premiers points de vue sur la ville et le centre de l'île. Il fait chaud, je n'ai presque plus d'eau et j’essaye d'attraper la bouteille dans mon sac sans enlever ce dernier pour gagner du temps. Evidemment la bouteille était mal fermée, tombe et se vide.. Je continue mais j'ai chaud, je transpire, j'ai soif et je râle.

Il me faut une heure pour arriver au cratère du volcan vieux de 2.5 millions d'années. Petit par sa taille, ayant un diamètre d'environ 1,5 kilomètres, il abrite également en son centre une lagune qui forme la réserve biologique de Rano Kau. Quand on regarde de plus près, il est facile de distinguer plusieurs dizaines d'îlots de roseaux. Pour plusieurs espèces endémiques, c’est là l’unique endroit où l’on peut encore les trouver. Il est interdit de descendre dans le cratère pour ne pas bouleverser l'écosystème, mais la vue est largement satisfaisante. Pour rejoindre le village de l'autre côté du cratère, il faut marcher sur une crête mais le chemin est complètement recouvert par la végétation.

Arrivé à l'entrée, il faut de nouveau faire tamponner son ticket car Orongo est le second site que l'on ne peut visiter qu'une seule fois. Site historique d'une importance capitale pour la culture de l'île, c'est ici qu'avaient lieu les épreuves permettant de désigner le nouveau chef de l'île. Après la chute de la période des moaï, un nouveau culte apparut pour élire un chef de l'île pour une année et ainsi apaiser les tensions tribales. Chaque chef de tribu choisissait un champion qui défierait les autres chaque année entre Juillet et Septembre durant le printemps austral. C'est à cette période que les sternes parcouraient des milliers de kilomètres pour pondre leurs œufs sur les 3 îlots au large du village.

L'épreuve consistait à descendre la falaise abrupte, à nager dans des eaux qui, paraît-il, étaient infestées de requins puis à grimper sur le premier îlot pour récupérer le premier œuf pondu de la saison, en attendant parfois plusieurs semaines dans une des deux grottes devant un nid. Le candidat en possession du premier œuf remportait la "compétition" et voyait son chef nommé "Tangata manu" ou Homme-Oiseau. Érigé à l'état de demi-dieu, on le disait envoyé par Make Make, la divinité suprême des Rapa Nui, représenté comme un homme avec une tête de sterne, et faisait le lien entre les divinités et les hommes.

Il est formellement interdit de s'écarter du sentier qui forme une boucle. Le premier arrêt se situe sur le bord de la falaise où les trois îlots se tiennent juste devant respectivement "Motu Kao Kao", "Motu Iti" et "Motu Nui". Ce dernier est le plus étendu et forme le sommet d'un volcan sous marin d'une hauteur de 2000 mètres au-dessus du plancher océanique. Il y a seulement trois autres personnes sur le site avec moi, un couple d'italiens et une japonaise qui dessine le paysage se dressant devant nous.

Les neru étaient les filles des chefs qui au cours de leur puberté devaient suivre un véritable rite d'initiation. On les enfermait ensemble dans une caverne pendant environ 5 mois entièrement nues afin que leurs peaux blanchissent un maximum. Cette blancheur représentait l'aristocratie alors que le bronzage signifiait le travail dehors, le rôle peu enviable du paysan. Elles devaient également avoir les cheveux et les ongles très longs et être vierges. Dans la caverne, elles apprenaient les prières et des tatouages étaient apposés sur leurs corps. Au bout des 5 mois, elles sortaient de la caverne et étaient emmenées jusqu'à Orongo pendant la cérémonie qui consacrait le vainqueur.

Le village a été rénové à l'identique dans les années 70 et permet de voir comment étaient empilées les pierres, mais ne présente plus les décorations extérieures que l'on pouvait trouver sur les maisons lors de leur construction. Elles étaient à l'origine peintes et pleines de pétroglyphes présentant évidemment le culte vénéré en ce lieu. Les maisons ont été pillées par les différentes expéditions européennes et même un moaï qui est maintenant présenté au British Museum a été retiré du site pour être ramené en Europe lors de l'une d'entre elles.

En redescendant, j'entends des moteurs se mettre en route. Le vol journalier s'apprête à repartir vers Santiago. Je marche donc sur la route parallèle à l'aéroport qui surplombe la piste et attends quelques minutes pour assister au décollage assez impressionnant du Boeing. Impressionnant à double titre car juste après la fin de la piste, il y a une falaise avec une route en contrebas et surtout moins de 10 secondes après que les roues ne soient plus en contact avec le sol l'avion survole déjà les eaux du Pacifique.

Dernière chose à faire : acheter des souvenirs pour tout le monde vu que je ne pense pas revenir avant un moment ici. Du coup je trouve une minuscule cabane sur le bord d'une route menant à la plage où il y a tout ce qu'il faut. Magnets, drapeaux, patchs...etc feront l'affaire et un peu mon bonheur.


Je me suis senti à l'aise et au paradis très rapidement notamment grâce à l’accueil des habitants et des différentes rencontres faites durant ces quelques jours. L'atmosphère est certes particulière, entourée d'aura et de légendes, mais tellement apaisante. Cinq jours sont suffisants pour faire le tour de l'île et voir les principaux sites mais quelques jours de plus pour notamment randonner dans le centre de l'île auraient également été une option intéressante. Mon seul regret est de n'être pas allé sur le Maunga Terevaka, qui permet d'avoir un panorama sur la totalité de l'île.

Comme tout est importé, cela revient bien plus cher que sur le continent. Normalement le prix des logements est également très élevé mais étant parti en basse saison je n'ai eu aucun mal à trouver un logement pour une vingtaine d'euros par jour. En faisant attention sans trop se priver, on arrive à tenir un budget raisonnable sans vendre un rein. Au final, les pâtes et la sauce tomate seront quand même vos meilleurs amis, pour mieux rappeler les merveilleux souvenirs de la vie étudiante !

J'avoue n'avoir réalisé ce que je venais de vivre et que c'était vraiment unique et exceptionnel seulement dans l'avion du retour. J'ai pris un petit coup au moral, rapidement gommé par la perspective de la suite de mon aventure sud-américaine !

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Après cinq jours complets à parcourir l'île la plus isolée du monde, plusieurs choses en ressortent.

Tout d'abord, je me suis senti à l'aise et au paradis très rapidement notamment grâce à l’accueil des habitants et des différentes rencontres faites durant ces quelques jours. L'atmosphère est certes particulière, entourée d'aura et de légendes, mais tellement apaisante.

Cinq jours sont suffisants pour faire le tour de l'île et voir les principaux sites mais quelques jours de plus pour bien prendre son temps et notamment aller randonner dans le centre de l'île auraient également été une option intéressante et m'auraient bien tenté mais il était temps de partir...

Mon seul regret est de n'être pas allé sur le Maunga Terevaka, qui permet d'avoir un panorama sur la totalité de l'île ni dans la péninsule du Poike, beaucoup moins accessible car sans route et seulement avec un guide.

La seule chose négative est le coût de la vie sur l'île. Il est évident que comme tout est importé, cela revient bien plus cher que sur le continent. Normalement le prix des logements est également très élevé mais étant parti en basse saison je n'ai eu aucun mal à trouver un logement très bien situé et parfaitement équipé pour environ 20 € par jour.

Globalement en faisant attention sans trop se priver, on arrive à tenir un budget raisonnable sans vendre un rein, ou les deux mais là ça risque de se compliquer un peu, pour financer son voyage. Au final, les pâtes et la sauce tomate seront quand même vos meilleurs amis, pour mieux rappeler l es merveilleux souvenirs d'étudiant !

J'avoue n'avoir réalisé ce que je venais de vivre et que c'était vraiment unique et exceptionnel ... seulement dans l'avion du retour... J'ai pris un petit coup au moral, rapidement gommé par la perspective de la suite de mon aventure sud-américaine !