Deux semaines au cœur des Andes équatoriennes, avec en point d'orgue les deux volcans les plus imposants du pays. Découverte, péripéties et randonnées sont au programme.
Du 14 au 31 août 2017
18 jours
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Nous sommes trois amis de lycée. Lors de nos études supérieures nous avons pris des chemins différents mais nous sommes toujours restés proches. Ainsi lorsque V. a décidé de partir vivre en Equateur après avoir rencontré une Equatorienne à Paris, nous avons mis un peu plus d'une année pour lui rendre visite. Au menu : 15 jours de retrouvailles, de découverte des Andes et des volcans essentiellement proches de la capitale. Un bon cocktail en somme !

Quito est la capitale du pays mais surtout la seconde plus élevée au monde (2800 mètres). Seule La Paz, la capitale de la Bolivie, avec ses 4100 mètres au plus haut la devance sur cette liste. C'est donc dans cette ville que se trouvera notre "camp de base" aussi bien utile pour s'acclimater à l'altitude que pour rayonner aux alentours à la découverte de la nature et d'intéressants chemins de randonnées.

Il n'existe pas de vol direct entre Paris et Quito, donc on doit subir une escale à Atlanta. Premier vol de 8 heures parfait, escale durant quelques heures mais avec les formalités et les mesures qu'il faut pour transiter sur le sol américain, nous patientons longuement dans la file. C'est d'ailleurs de là qu'a été emmenée une famille entière dans une salle à côté pour un interrogatoire nettement plus poussé que le nôtre. Pourquoi ? Simplement parce que ses membres avaient le malheur d'avoir un teint un peu mat et que la femme avait les cheveux voilés. Ah les States... MAKE AMERICA GREAT AGAIN ? Si jamais tu me lis, c'est pas avec ce genre de comportement que ça risque d'arriver Donald !

Le second vol était plus court mais avec des turbulences tout le long, si bien qu'à une quinzaine de reprises, mon léger sommeil a été troublé par l'annonce du commandant de bord pour le bouclage des ceintures. Ça y est maintenant, on est arrivé à Quito à 23h heure locale mais 5h du matin pour nous. Retrouvailles à l'aéroport avec le 3ème luron et sa copine dans le terminal de l'aéroport et nous voilà quelques minutes plus tard à l'appartement. Avec ce long voyage, je me dis qu'il va être tellement facile de s'endormir, et pourtant ce ne fut pas le cas à cause du décalage et de l'altitude.

Les jours où notre pote travaille, nous irons de notre coté nous balader dans Quito ou faire des randonnées dans les environs accessibles en taxi ou transport en commun. Le premier matin c'est la première prise de contact avec la ville et plus précisément avec le parc de La Carolina situé dans le centre. Ce parc est assez fréquenté par les habitants qui souhaitent se défouler sportivement notamment grâce à des installations diverses comme des terrains de foot, évidemment, de rugby, des nodules de musculation et une immense piste d'athlétisme. Ajoutés à cela de nombreux marchands de glace ou de babioles à la sauvette, et l'on obtient un bon mélange typique de l'ambiance sud-américaine bien différente de celle que l'on connaît en Europe.

Le côté moins positif pour nous autres pauvres habitants des plaines du centre de la France, ce sont les légers effets de l'altitude même si nous ne sommes qu'à 2800 mètres. Sans parler de la forte circulation et de la pollution importante, d'autant que Quito est situé dans une cuvette, qui ne transforment pas vraiment la balade en une promenade de santé. Comme de nombreuses villes du continent sud-américain, Quito révèle une architecture espagnole de l'époque coloniale. La Plaza Grande est la place principale et le lieu de rencontres des habitants. C'est ici que l'on trouve le palais présidentiel, une cathédrale et une sorte de galerie débouchant sur une cour intérieure de plusieurs étages avec magasins et restaurants en nombre.

On passe également devant un des lieux les plus importants de la ville et même du pays : l'Eglise de la Compagnie. Même si de dehors la façade n'a rien d'époustouflant, c'est l'intérieur qui fait sa renommée car tous les murs sont recouverts de fines feuilles d'or. Il faut croire qu'ils n'étaient pas spécialement pressés car il aura juste fallu 160 ans pour achever sa construction. Le premier soir, on va prendre nos premières bières dans un bar un peu spécial. Effectivement on pénètre dans une église aménagée. L'ambiance est conviviale et l'on peut même se peser avec des balances datant d'une époque assez lointaine. C'est bien utile parce que si tu vois que tu as grossi mais que tu as déjà commandé d'autres bières, tu pourras culpabiliser et donc boire encore d'autres bières pour oublier : parfaite stratégie commerciale.

Le lendemain, retour dans le centre pour manger ensemble : restaurant typique avec un almuerzo équatorien. On y retrouve notre ami avec un de ses collègues de travail français lui aussi, et bossant dans le tourisme depuis quelques années notamment au Nicaragua. Après le repas, on décide de partir en haut de la basilique del Voto Nacional pendant que les deux retournent bosser.

Avec ses deux tours d'une hauteur d'environ 80 mètres, elle offre un panorama sur le vieux Quito et sur la colline d'El Panecillo visible entre les deux flèches. Elle est considérée comme le plus grand lieu de culte d'Amérique du Sud et même si il reste quelques détails à finir, il n'aura fallu que 40 ans pour construire la structure actuelle. Selon certaines croyances, le jour de la fin du monde sera le jour où la construction de l'église sera achevée. Pour accéder au toit et aux tours, il faut prendre plusieurs échelles assez raides, mais la vue en vaut vraiment le coup, et c'est là que l'on se rend compte de l'étendue de la ville car il est impossible d'en voir le bout. En effet, Quito s'étend pratiquement sur 50 km du nord au sud.

On se décide donc à rejoindre El Panecillo à pied et à gravir les 200 mètres jusqu'à son sommet. En repassant dans la vieille ville, on aperçoit LA vitrine troublante du coin : une boutique avec des centaines de statuettes de la Vierge, de Jésus ou d'anges. Pas de doute on est en Amérique latine. Au sommet de la colline se trouve une statue de la Vierge ailée en aluminium qui veille sur la ville, un des monuments emblématiques de la capitale. A cause de son regard dirigé vers le nord, certains disent qu'elle tourne le dos aux pauvres car les quartiers les plus populaires sont situés au sud. La couronne avec les 12 étoiles représenteraient les 12 apôtres et le serpent avec la tête de dragon qu'elle terrasse serait lui le symbole du péché et du démon.

Plus nous montons et plus les gens se font rares mais ils sont remplacés par des chiens errants. Les ruelles et les passages avec des marches sont également de plus en plus étroits. C'est seulement à quelques centaines de mètres de la statue que nous apercevons sur notre chemin une meute d'une dizaine de chiens, au pelage en assez mauvais état. Même s'ils ne présentent aucune agressivité particulière, on préfère ne pas passer au milieu et on fait demi-tour. En revenant au QG des rois du tourisme francophone en Equateur, ces derniers nous apprennent qu'ils ne conseillent pas à leurs clients de monter là haut seuls car le quartier n'est pas toujours bien fréquenté, même de jour.

Egalement proche du centre ville se situe le quartier de La Floresta qui est surtout un quartier habité par des gens tournés vers l'art et la culture. C'est ici que l'on peut trouver des sortes de fresques sur les murs, des cafés librairies etc... Ça fait un peu penser à la culture hipster mais avec beaucoup moins de chemises à carreaux et de pilosité faciale.

Bien entendu qui dit Equateur dit la fameuse ligne séparant la Terre en deux. Par chance cette ligne passe à seulement 15 km au nord du centre ville. Un site très (trop) touristique y a pris place avec pour symbole un obélisque avec une boule à son sommet, et la ligne passant d'Est en Ouest. Sauf qu'en réalité l'équateur passe à quelques dizaines de mètres de là, dans un musée en plein air retraçant l'histoire des tribus du pays via des sculptures, des expositions ou des reconstructions. Il est également possible avec un guide de s'adonner à des expériences permettant, normalement, de visualiser les différents paramètres physiques que l'on peut trouver ici par rapport à chez nous.

Il y a plusieurs ateliers proposés dont la modélisation du sens de l'écoulement de l'eau. Le guide remplit un bac puis, après avoir placé des feuilles dans l'eau, le vide de part et d'autre de la ligne pour que l'on puisse remarquer les sens différents. Si on le fait sur la ligne même, alors l'eau ne s'écoule pas en suivant un des sens mais seulement tout droit. En réalité, le guide l'avoue, l'expérience est truquée car il faudrait plus d'eau pour qu'elle soit pertinente. C'est la Force de Coriolis qui est ici illustrée qui permet de dévier un corps en mouvement vers sa droite dans l'hémisphère nord et vers sa gauche dans l'hémisphère sud. Le sens des ouragans est également une autre illustration de cette force avec un sens de rotation antihoraire au nord et horaire au sud.

Deuxième test : arriver à faire tenir un œuf sur un clou. L'expérience demande patience et adresse mais peut être réalisée partout sur Terre. Seulement il est normalement plus facile de réussir au niveau de l'équateur car la force d'attraction des pôles s'annule. Si on réussit, on peut avoir un certificat délivré par le musée. Alors n'ayant aucune patience et n'étant pas vraiment muni de doigts de fée, je n'ai évidemment pas réussi, mais le gamin de 8 ans qui était dans le groupe, l'a fait sans aucun problème…

On est également moins lourd ici d'environ un kilo. Le diamètre de la planète est de 12 712 km aux pôles mais est plus important au niveau de l'équateur avec 12 756 km. Comme nous sommes plus loin du centre de la Terre, la gravité est plus faible donc on y pèse moins lourd. C'était donc bien ici qu'il fallait installer le bar/église avec les pèse-personnes pour perpétrer la bonne santé mentale des consommateurs !!

Pour finir, nous décidons, tels des hommes de science, de mener nous-mêmes nos propres expériences. Le postulat de départ : "Un coup de pied bien placé sur la ligne de l'équateur fait-il aussi mal qu'ailleurs ?" Vous n'en aviez pas rêvé, eh bien nous l'avons quand même fait ! Cependant l'expérience fut fort peu concluante...

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Pour cette première sortie en dehors de Quito, on décide d'aller au Quilotoa. Il faut environ 3 heures de route pour faire les 180 km séparant les deux endroits. On décide de prendre le 4x4 de la belle-mère de V. C'est clairement un avantage, parce que louer une voiture ici ne semble pas être le plus simple, et nous le vérifierons en fin de séjour. On part donc à 4 pour la journée. Oui, nous trois et Coco... Qui est Coco ? Coco est un jeune chien mâle qui présente la particularité, fort intéressante, d'être malade en voiture ! Et à peine sorti de la ville, il le montre déjà. Il faut donc imaginer le reste du trajet avec un chien qui vomit et des pauses assez régulières pour qu'il puisse prendre l'air. Je vous laisse deviner qui était derrière avec le chien ? Oui, moi-même... Le point positif, c'est qu'à chaque arrêt au sein de la Cordillère, les paysages qui s'offrent à nous sont superbes.

La lagune du Quilotoa est un des incontournables du pays. C'est un stratovolcan, c'est à dire un volcan qui s'est formé par l'accumulation, au fil des éruptions, de coulées de lave, de couches de cendres et de coulées pyroclastiques. Normalement ce type de volcan présente des dômes au sommet mais certains se présentent sous la forme d'une caldeira résultat d'un effondrement de la structure durant une éruption. On peut parcourir les crêtes du Quilotoa, d'une altitude de 3930 mètres et d'une circonférence d'environ 12 km. Ce chemin de randonnée ne présente pas un dénivelé très important mais certaines montées et descentes sont un peu techniques.

Avant de partir sur ce chemin qui surplombe le lac de cratère plus bas de 340 mètres, il y a un petit village où il est possible d'acheter des objets artisanaux, comme des vêtements, ou se restaurer. C'est d'ailleurs ici que l'on voit notre premier cochon d'Inde embroché en train de rôtir. On a faim mais on privilégie les empanadas. De là, il est possible de rejoindre une petite plage sur les bords du lac et de louer des kayaks pour y faire une petite balade. Il est également possible de descendre ou remonter la côte à dos de mules. Juste à côté, se trouve un mirador qui offre une vue imprenable sur l'ensemble du cratère. La lumière permet vraiment de faire ressortir les nuances de l'eau et il paraît que c'est encore plus impressionnant par temps clair avec un ciel parfaitement bleu. Le mirador étant bondé, parcourir le chemin de crêtes permet de s'éloigner de la masse touristique. Et c'est donc parti pour un peu plus 3 heures de marche sur les contreforts du cratère.

Alors quel est l'état des forces en présence ? Eh bien il faut avouer que je suis le moins sportif des trois, et que je ne sais pas encore si l'altitude et le mal des montagnes va avoir un effet sur moi. On a planifié cette rando 36 heures à peine après être arrivés en Equateur, et le Monte Juyende, point culminant du parcours, culmine à pratiquement 4000 mètres. En faisant le tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, on arrive rapidement sur une longue montée pour rejoindre le point culminant. En toute honnêteté, dans un sens ou dans l'autre, il y a des chances que l'on finisse crevés alors ce n'est pas d'une grande importance. On attaque donc une côte pas très longue mais qui nous fera gagner les 200 mètres de dénivelé nous séparant du sommet. Et là, premier enseignement du séjour, ma condition physique est vraiment moins bonne que celle de mes deux compères. Bon en soit ce n'est pas un souci car chacun marche à son rythme mais maintenant je sais le désagréable sentiment qu'ont les coureurs cyclistes lorsqu'ils sont lâchés dans une ascension ! Et pour couronner le tout, la pluie s'invite pour que la balade soit un réel plaisir.

Lorsque l'on arrive au sommet, on est presque dans les nuages et à 4000 mètres d'altitude, il commence vraiment à faire froid. Peu importe où l'on se situe sur la Terre, à cette altitude, on aura toujours des températures de ce type. C'est quand même étrange parce qu'intuitivement, lorsque l'on pense à l'Equateur, on a tout de suite l'image de la chaleur et du soleil.

On a un autre point de vue sur le cratère, mais la couleur de l'eau est cette fois plus uniforme et donc moins impressionnante, et l'on décide de repartir après une petite pause. La suite de la marche est une alternance entre montées et descentes. On arrive à une bifurcation et on a le choix entre un chemin qui suit le lac et un autre qui prend un peu de hauteur de façon assez abrupte. Ce sera la deuxième option car on est un peu "lassé" de voir le lac. De ce côté-ci, la vue d'ensemble est moins sympa. C'est à ce moment que commence à frapper un mal invisible : l'altitude. Je commence à ressentir un mal de crâne qui s'intensifie à chaque minute.

Par chance, la boucle arrive à sa fin mais l'idée des 3 heures de route pour rentrer m'enchante moyen. La fin de journée se dégrade, il pleut de plus en plus et la dernière demi-heure de marche est juste galère. Juste après être reparti en voiture, on s'arrête en coup de vent devant un canyon que l'on a aperçu depuis les sommets précédents. Le chien est toujours malade, mon mal de crâne est toujours présent et pour comble de bonheur, il a neigé pendant l'après-midi et la route est parfois limite. D'ailleurs à plusieurs reprises, on croise des éboulements ainsi que des voitures sur le bas côté, parfois pas très loin d'un rebord. Avec toutes ces conditions, le retour durera plus longtemps surtout que l'on a la chance de tomber dans les bouchons à Quito. Pour soigner les effets de l'altitude, il suffit de redescendre un peu, prendre du paracétamol et dormir. Une heure après, il était temps de fêter les retrouvailles autour de quelques verres durement ramenés du Duty Free américain, parce que l'alcool en Equateur coûte vraiment un rein.

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Juste à quelques kilomètres au nord de Quito se trouve un site assez atypique : le cratère de Pululahua. Le volcan est endormi et présente une caldeira d'environ 4 km de diamètre dans laquelle on peut trouver deux sommets qui sont en réalité deux dômes de lave solidifiés offrant des points de vue sympas. On se tâte d'ailleurs pour le sommet du Cerro Pondona. La caractéristique principale de ce volcan c'est qu'il est l'un des deux seuls au monde à avoir son cratère habité, l'autre étant le volcan géant de Yellowstone. La terre étant très fertile, une centaine de personnes viennent la cultiver mais seulement une trentaine de familles y vivent de façon permanente.

Pululahua signifie "nuage d'eau" en Kichwa, une langue amérindienne parlée essentiellement en Equateur, et cela s'explique par le climat qui y règne. L'humidité de la côte se condense dans le cratère créant du brouillard et un microclimat qui va favoriser le développement d'une végétation dense et d'écosystèmes peu présents à cette altitude normalement. Il est conseillé d'y aller le matin car c'est le moment où le risque de brouillard et/ou de pluie est le plus faible, chose qui est globalement identique dans l'ensemble de la cordillère autour de Quito.

Avant de rentrer sur le site, il faut se déclarer à un guichet avec son numéro de passeport et sa nationalité mais l'entrée est gratuite si ce n'est un musée avec des expos de peinture. On avance donc jusqu'au mirador et là, avec le temps bien dégagé, on aperçoit bien les deux dômes de lave et les rebords du cratère qui se dressent derrière et sur les côtés. Mais le mieux, c'est de voir la descente qui nous attend. C'est toujours agréable de commencer par une descente mais comme il faut revenir au point de départ, la fin risque d'être encore plus amusante ! On descend les 300 mètres qui nous séparent du fond du cratère, et les genoux souffrent quand même pas mal vu avec cette pente prononcée.

Tout le long de la route, on croise des personnes qui vendent des bouteilles ou autres snacks ou encore des gens qui remontent avec leurs mules et leurs marchandises. Dire qu'ils font le chemin tous les jours, cela force un peu l'admiration. Au départ on décide d'aller jusqu'aux thermes, qui sont dans une petite vallée située derrière les dômes. Lorsque l'on arrive sur le plat, on a du mal à s'orienter et l'on demande notre direction à une femme qui habite là. On apprend qu'il va être difficile car en réalité les thermes sont à plusieurs heures de marche. On choisit donc de grimper sur le Cerro Pondona qui se situe à proximité. Avant de partir, elle nous dit de bien faire attention et de rebrousser chemin si on voit les nuages arriver ou le brouillard tomber car les conditions changent très rapidement. Elle avait l'air extrêmement sérieuse mais à ce moment-là, il fait un temps plutôt découvert.

On arrive au pied de la colline, mais on se heurte à un individu inattendu : un cochon attaché à un piquet plutôt agressif qui se précipite vers nous quand on s'approche. La corde n'a pas l'air super solide mais ça tient et on le contourne. On commence l'ascension d'abord dans des herbes hautes puis plus le chemin s'élève, plus les herbes deviennent des arbustes et on a l'impression d'avancer dans une petite jungle. Vu du sommet, le paysage me fait un peu penser à ceux filmés dans "Jurassic Park" : des reliefs importants mais pas de roches visibles. Bon le problème c'est que l'on aperçoit le brouillard arriver, donc il faut faire demi-tour, d'autant plus que l'orage arrive et que l'on prend une bonne averse, alors qu'il reste encore plus d'une bonne heure de marche. La montée est comme au Quilotoa : longue et difficile pour moi. De retour au mirador, on remarque bien la différence avec le moment où l'on est parti, les nuages sont bas et recouvrent les hauts du cratères. Avant de rentrer, il faut aller rendre le 4x4 récupéré la veille.

Sans voiture, il faut trouver un taxi pour rentrer jusqu'à l'appart. Sauf que l'on est dans un quartier assez loin des axes principaux et trouver un taxi dans la rue et lui faire signe est assez compliqué, il va donc falloir marcher. Mais voilà qu'à ce moment précis notre sauveur apparaît, non pas sur son cheval blanc mais au volant d'un vieux pick-up rouge. Sans que l'on lui ait demandé quoique ce soit, il nous fait signe de monter et nous propose de nous déposer sur une avenue pour que l'on trouve un taxi. On est tout content de ce trajet. En France, l'amende et les problèmes seraient tellement lourds ! Ici pas de problèmes vu que les flics que l'on croise ne bronchent même pas.

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Aujourd'hui nous ne sommes que deux car V. doit quand même parfois travailler. Nous décidons alors d'aller randonner sur le Pichincha et plus précisément sur son pic baptisé Rucu. Le Pichincha est un volcan surplombant Quito et culminant à 4 627 mètres. Il est rentré de nombreuses fois en éruption, la dernière ayant eu lieu en 2002. Mais avant de partir à la conquête du sommet, une quête bien plus importante et même vitale pour mon acolyte du jour : trouver des croissants pour le petit déjeuner. Nous voilà donc partis donc comme deux Indiana Jones des temps modernes dans le cœur de Quito à la recherche du précieux Graal. Au bout d'un moment, nous commençons à nous résigner mais c'est sans compter sur la chance qui, pour une fois, est de notre côté. A une intersection nous tombons nez à nez devant une boulangerie/restaurant française proposant des viennoiseries.

Il y a deux façons d'atteindre le point culminant de la rando. Le premier consiste à prendre un téléphérique jusqu'à une sorte de refuge et de faire la randonnée jusqu'au sommet par la suite. Le deuxième est tout simplement de zapper le téléphérique et de monter les lacets jusqu'au refuge. Nous avons choisi la première option tout simplement parce que la deuxième partie consiste à une montée de 5 kilomètres avec plus de 750 mètres de dénivelé, amplement suffisant pour une journée où nous n'avions prévu qu'une "balade".

La première partie est une montée en pente douce qui se fait extrêmement bien malgré quelques petites bosses plus difficiles à grimper. On a rapidement le sommet en visuel. C'est vraiment un pic mais vu d'ici il semble tout petit et pas très difficile. Arrivé à mi-parcours, c'est là que les choses se corsent. Le chemin devient une véritable montée avec des pierres qu'il faut enjamber et parfois escalader. Mais ceci n'est que l'échauffement selon deux traileurs que l'on croise en train de se reposer. Et ils avaient raison. A partir de maintenant nous marchons dans du sable, produit des éruptions successives, et ce dernier combiné avec la forte pente font que tous les deux pas, nous reculons d'un.

Du coup j'emprunte un passage sur le coté dénué de sable mais avec des rochers un peu partout, ce qui ne rend pas la montée plus facile. A. m'a lâché et doit marcher devant mais à cause des nuages nous englobant je ne vois pas à plus de 10 mètres devant moi. Il fait maintenant super froid, je ne vois rien et je commence à galérer pour respirer vu qu'on est presque à 4 600 mètres d'altitude. Alors que je consulte mon altimètre, je me rends compte qu'il reste moins d'une quarantaine de mètres me séparant du sommet alors ni une ni deux je me motive et balance mes derniers efforts pour y arriver.

C'est à ce moment précis que j'entends un "PUTAIN" qui résonne à quelques mètres de moi. Je me dirige dans la direction et rencontre un autre français qui comme moi semble galérer dans cet épais brouillard. Nous faisons les derniers mètres ensemble et arrivés en haut on retrouve nos acolytes respectifs. En fait leur binôme est un miroir du nôtre : un sportif et un autre plutôt à la ramasse.

C'est mon premier sommet de volcan et la vue à 360 ° doit être magnifique quand il y a un temps dégagé ! En patientant un peu, les nuages se dispersent parfois et nous pouvons voir d'un côté toute la Cordillère des Andes et de l'autre un trou béant, formant une partie du Pichincha. D'ici il est possible de rallier un autre pic nommé Guagua Pichincha, mais cela prendrait encore quelques heures, temps que nous n'avons pas. C'est transis de froid et ne sentant plus mes mains que nous entamons la descente à quatre.

Alors que le sable était un inconvénient lors de la montée, il en est tout autre maintenant car on peut dévaler la montagne à toute allure. Sauf qu'il y a parfois quelques pierres qui en ressortent et qu'arrivant à toute allure, je bute dans l'un d'elle, m'explosant le pied. Je me relève prêt à constater les dégâts et au final ça va plutôt bien, je peux poser le pied par terre et marcher presque normalement sans difficulté.

Après une bonne heure de descente, nous sommes devant le téléphérique mais on va prendre une bière pour continuer de faire connaissance. Les deux Français sont amis d'enfance et sont en vacances en Équateur l'un depuis un mois et l'autre depuis deux semaines. On échange sur les bons plans et notamment sur l'ascension du Chimborazo, point culminant du pays, que l'on projette de faire avant la fin de notre séjour. On rentre ensemble et partageons un taxi, qui sans arrêter le compteur, s'arrête faire le plein. Bon c'est pas très grave, à 3 $ la course on n'est pas vraiment perdant. On décide de se revoir le soir pour aller boire un verre. Au final on se retrouve en boîte et après un seau de plus d'un litre d'un cocktail affreux, d'une musique énervante, un burger pris dans un Kebab douteux et un taxi clandestin, nous rentrons à l'appart.

Sauf qu'entre temps, je ne pouvais plus poser le pied par terre sans avoir mal. A chaud tout avait l'air d'aller mais maintenant ça devient problématique car en réalité j'ai un énorme hématome sur l'orteil et l'ongle fissuré dans toute sa largeur. Les prochaines randos s'annoncent vraiment pénibles avec ce pépin sans compter qu'après l'Equateur je dois passer trois semaines entre l'île de Pâques et en Patagonie avec encore d'autres randos à la clé...

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Quelques jours plus tard, changement de décor. Nous nous apprêtons à partir deux jours au nord de Quito pour aller voir une autre caldeira, nouvel incontournable de ce qu'il faut voir lors d'un voyage en Equateur. Le Cuicocha n'est en réalité pas un volcan à part entière, il est juste une partie du Cotacachi dont le sommet surplombe le lac. Pour aller jusqu'à Otavalo, il faut d'abord se rendre au terminal de bus nord de Quito. Sauf que c'est loin de là où nous sommes. Il faut donc prendre un bus métropolitain pour y aller. Le moins que l'on puisse dire c'est que ce trajet a été mémorable. Bus bondé, chaleur étouffante et debout devant la porte qui ne ferme pas toujours quand on roule. Autant dire qu'après presque 1 h de trajet, nous sommes contents d'arriver au bout. Au terminal, nouveau bus très coloré mais ce n'est pas une épave, bien au contraire. Généralement sur ces bus des messages religieux et des autocollants à l’effigie du Christ sont apposés sur les vitre. Ainsi le nôtre avait une énorme tête de Jésus avec une phrase "inspirante". Si avec ça il nous arrive un truc sur la route, c'est que l'on est vraiment maudits…

C'est parti pour presque 2h de route et l'écran plat s'allume. Le film "The Call" passe, ce n'est pas un chef d'œuvre mais ça fait passer le temps. Quitte à coller à la situation, ils auraient mieux fait de passer "Speed". On arrive vers 22h à destination et avant d'aller manger, il faut que l'on se trouve un endroit où dormir. Rapidement on trouve un hôtel qui colle à nos attentes, pas très exigeantes, il faut bien le dire.

Après un petit déjeuner prit rapidement nous voilà repartis pour le terminal afin de rallier le début de la randonnée. Nous reprenons un bus pour faire environ 15 km et arriver dans un petit village où il faut monter dans un pick-up pour arriver à destination. Comme pour Quilotoa, la randonnée peut se faire dans un sens ou l'autre puisqu'il s'agit en fait d'une boucle autour du cratère. Le Cuicocha s'est formé il y a environ 3 000 ans et est en réalité endormi et non éteint. Il est considéré par les autorités équatoriennes comme très dangereux en cas d'éruption, notamment à cause de la forte densité de population à sa base. Cuicocha dans la langue quichua viens des mots "cuy", "cochon d'Inde", et "kucha" et signifie littéralement "le lac du cochon d'Inde". Ce nom lui a été donné d'après le contour de la plus grande de ces îles qui ressemblerait à la forme d'un cobaye.

La randonnée est plutôt facile car elle fait environ 9 kilomètres pour à peine 500 mètres de dénivelé. Sur le papier il faut environ 4 h pour réaliser le tour complet mais en réalité, en 2h30 nous étions revenus au point de départ. Tout au long du parcours, les montées et les descentes se succèdent et le chemin, souvent très bien aménagé, laisse parfois la place à de longues séries de marches. Nous marchons dans le sens antihoraire et arrivés en haut de la première montée, une vue sur le volcan Imbaburra s'offre à nous. Sa cime est cachée dans les nuages ce qui est dommage car son sommet présente une forme découpée caractéristique due aux différentes éruptions ayant eu lieu dans le passé.

J'ai toujours mal au pied, mais ça a l'air de tenir donc je suis plutôt rassuré pour la suite du séjour. On continue de marcher sur le chemin et la végétation devient de plus en plus dense. Ce n'est pas encore la forêt vierge mais c'est surprenant. Nous arrivons sur un belvédère où une dizaine d'ados campent. Ils ont bien choisi l'endroit car la vue sur les deux îles au milieu du lac est parfaite. Je défie quiconque de bonne foi de voir même vaguement la forme d'un cochon d'Inde lorsque l'on regarde cette île… C'est encore plus flagrant évidemment sur les photos aériennes ! Nous sommes à la moitié et il se met à pleuvoir mais comme les principaux points de vue sont maintenant derrière nous, la fin de la rando se fait rapidement sans trop d'arrêts. De nouveau au point de départ, on attend encore un pick-up pour nous redescendre dans la vallée.

Arrivés après une demi-heure de trajet on va prendre un almuerzo à 2 € puis, on part faire un tour dans le marché artisanal très réputé dans tout le pays. Ici il est possible de trouver n'importe quel type de souvenir mais c'est essentiellement du textile en laine d'alpaga ou de Lama qui est sur les étals. J'en profite pour trouver un magnifique bonnet/masque ultra coloré que je ramène à ma sœur que je sais très friande et collectionneuse de ce genre de choses. Cependant lorsque je lui offrirai celui-ci elle ne fera pas preuve d'un grand enthousiasme… C'est quand même pas très reconnaissant les petites sœurs !

Ca y est notre bus est là et cette fois-ci le message sur la vitre derrière le chauffeur à côté de la grosse tête de Jésus a changé. Très kitsch mais toujours autant amusant. Encore une fois, il ne peut absolument rien nous arriver sur la route. Cette fois-ci on mettra un peu plus de 3h pour revenir à Quito notamment à cause de l'heure de pointe et des très longs bouchons à l'entrée de la capitale.

Arrivés au terminal il nous reste encore un bus pour arriver jusqu'à l'appart. Au moment où il arrive, on est témoins d'une scène digne du Black Friday : lorsque les portes s'ouvrent les gens se bousculent et se poussent assez violemment pour pouvoir accéder aux places assises. On a eu la chance car une porte s'ouvre juste devant nous et on échappe à cette mêlée. Enfin pas vraiment car juste avant de me poser, un môme se jette comme s'il était un gardien de foot effectuant en arrêt sur le siège où je vais m’asseoir. L'ayant quand même vu, je décide de m'asseoir de tout mon poids sur lui ce qui provoquera ces pleurs aussi ridicules que savoureux. Je m'attends à me faire embrouiller mais, cerise sur le gâteau, sa mère lui crie dessus. Même si ça manque de classe, je n'arrive pas à contenir ma satisfaction. Demain, repos et balade dans Quito pour récupérer et préparer nos trois derniers jours dans le pays. On hésite entre faire un trek sur deux jours ou la "tournée" des volcans importants avec des randos sur chacun d'eux. On garde la deuxième option et on met les voiles sur le Cotopaxi.

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La première étape de cette palpitante virée nous amène dans la ville de Machachi, située juste à côté du Cotopaxi. Pour rallier les différents sommets et villes, il faut louer une voiture, car même si le pays semble très bien desservi, nous n'avons pas trop de temps à perdre en transport. Direction donc le nord de Quito pour récupérer notre 4x4. Lorsque nous arrivons chez le loueur, la grille est fermée. Après plusieurs coups de téléphone et 15 minutes d'attente incertaines, un gars nous ouvre. Ici pour la caution, pas de technologie intempestive : on prend l'empreinte de ma carte bancaire à l'encre, et ça fera largement l'affaire ! Une heure plus tard on arrive à destination et l'on prend nos quartiers pas très loin du centre ville. Machachi est une petite ville d'environ 30 000 habitants située a une dizaine de kilomètres du Parc National comprenant le Cotopaxi.

Nous roulons pendant environ une vingtaine de minutes sur des routes sinueuses, parfois pavées mais aussi parfois derrière un pick-up avec des personnes dans le coffre qui doivent rallier les villages isolés de la région. Il faut monter jusqu'à environ 3500 mètres pour atteindre le point de contrôle nord du parc. La veille nous avons demandé à l'accueil de notre hôtel le meilleur moyen de nous y rendre et la réceptionniste nous a alors dit que l'on pouvait laisser la voiture à cet endroit et faire la marche jusqu'au refuge sans problème. Juste avant celui-ci, il existe un parking situé sur les flancs du volcan à 4500 m d'altitude permettant de rejoindre le refuge en quelques dizaines de minutes. En réalité laisser la voiture à cet endroit nous aura rallonger d'environ 9 km aller. À l'entrée il faut normalement, comme dans tous les parcs nationaux du pays, s'enregistrer avec un document d'identité. Il est encore trop tôt et personne n'occupe la cabane. Hop par dessus la barrière, enfin plutôt le plot, et à nous la marche en direction du volcan qui s'élève au dessus de la plaine.

La première partie est un léger faux plat montant sur environ quelques kilomètres. D'ici il n'est pas encore possible d'apercevoir en entier le volcan à cause des nuages qui cachent soit son sommet soit toute sa moitié supérieure. Heureusement au bout de quelques minutes le ciel se dégage enfin et et le géant apparaît soudainement devant nous. Ça en voit quand même pas mal ! Le contraste des couleurs est assez incroyable entre le vert/jaune de la végétation, les pierres noires et rouges, produits des différentes éruptions, et le blanc des neiges éternelles du sommet.

Alors le Cotopaxi c'est quoi ? Deuxième volcan d'Équateur avec une altitude de 5897 m mais également le plus haut volcan actif du pays, c'est un stratovolcan avec un cône quasi parfait qui domine d'environ 3 000 mètres les plaines environnantes. Cotopaxi signifie "cou de la lune" en langue indigène ou encore "masse brillante" en Quechua, langue des Incas. Ce n'est certes pas le plus gros des volcans mais avec une longueur d'environ 22 km pour une largeur de 20, on se sent quand même pas très grand à côté lorsque l'on se retrouve face à lui !

À partir de 4900 m se trouvent des neiges éternelles à l'origine de lahars, mélanges de cendres volcaniques et de neige formant les coulées de boue dévastatrice. Lors de l'éruption de 1877, plusieurs villes dans la vallée furent détruites. Sa dernière éruption se produisit il y a pile-poil un an et une colonne de plus de 8 km de cendres s'éleva et tomba sur Quito. À présent, son activité s'est énormément calmée ce qui a permis la réouverture du refuge mais pas encore du sommet où le balisage n'est pas encore terminé.

La première partie du parcours jusqu'au pied du volcan nous fait marcher sur une piste qui sert aussi aux voitures. Nous arrivons rapidement à une sorte d'hôtel, perdu au milieu de nulle part. J'ignore totalement le prix mais j'imagine qu'il doit falloir vendre ses deux reins pour pouvoir séjourner à l'intérieur. Après il faut bien avouer que face au volcan la vue doit être assez incroyable lorsque le soleil se lève ou se couche. Nous continuons notre progression, et la piste passe entre des blocs de pierre assez importants qui sont significatifs de la puissance d'un volcan lorsqu'il rentre en éruption. Nous sommes à plusieurs kilomètres du cratère et certains blocs de plusieurs mètres sont dispersés dans toute la zone.

Après une bonne heure de marche, la route s'élève petit à petit et nous commençons la longue ascension finale jusqu'au parking du refuge, la première étape. Il y a près de 4 km et 800 m de dénivelé, ça semble donc largement envisageable et pas trop long. Pour y arriver, nous devons partager la route avec les voitures qui montent. A chaque passage, on a la chance de respirer de grandes bouffées de poussière. À plus de 4000 m et en plein effort, déjà il n'y a plus beaucoup d'oxygène, si en plus on se ramasse la pollution ça devient vite compliqué de respirer…

Environ 30 minutes avant le parking, nous atteignons les premières neiges mais surtout, et plus embêtant les nuages. La visibilité n'est pas très bonne mais le plus dur c'est la chute rapide de la température couplée au vent qui se met à souffler fortement. J'ai toujours mal au pied mais, alors que c'était supportable sur le plat, durant la montée je serre les dents et j'avance difficilement. A et V arrivent en premier au niveau du parking et s'abritent derrière les voitures garées quelques minutes en m'attendant. Nous repartons pour le court segment entre le parking et le refuge mais le sentier se transforme en un chemin de sable. Comme au Rucu Pichincha, lorsqu'on avance de deux pas on recule d'un. Au bout de 300 mètres, je réalise que ça risque d'être très compliqué de continuer car à chaque appui la douleur s'intensifie. C'est donc à contrecœur que je dis aux deux autres de continuer. Je fais demi-tour jusqu'à la voiture pour venir les prendre en chemin lorsqu'ils seront sur le chemin du retour. Ce n'est que partie remise et je compte bien le retenter un jour.

La question que je me pose maintenant c'est de savoir si j'arriverais à faire les quasiment 15 km jusqu'à la voiture? De retour au parking, je suis gelé et j'attends de longues minutes en essayant de m'abriter du vent. Je vois un homme qui attend dans sa voiture et comme il existe des taxis qui attendent pour ramener les gens à l'entrée. Je tente ma chance mais c'est en réalité un touriste qui attend sa famille montée sans lui. C'est vrai qu'avec des problèmes cardiaques, il est sûrement plus sage d'éviter ce type de balade. Lorsque la famille arrive, il m'embarque à l'arrière et je fais connaissance avec toute la tribu. Ils sont désolés mais ils ne pourront pas m'emmener jusqu'à la voiture car ils repartent par l'entrée sud. C'est déjà vraiment sympa et j'ai évité la partie la plus pénible. Il me reste encore environ 10 km.

Je décide, pour gagner du temps, de couper à travers la plaine et me retrouve proche d'un groupe de chevaux sauvages, pour qui la présence humaine n'a pas vraiment l'air dérangeante. Après une heure de marche je distingue au loin une voiture et je vais tenter le stop pour qu'elle me ramène directement à l'entrée. Il s'agit en fait d'un taxi et pour 2 dollars il me prend. Pour le peu de temps passé à l'intérieur de la voiture c'est un peu cher payé mais j'avoue qu'à ce moment-là j'en ai plein les bottes de marcher. À l'arrière il y a un couple de Belges qui veut entreprendre l'ascension demain. Sauf que lui souffre déjà du mal des montagnes et qu'ils n'ont pas de vêtements chauds. J'ignore ce que ça a donné, mais j'imagine que ça a dû être épique !

Ça y est, je suis enfin à la voiture. Deux hommes sortent de la petite cabane et me demandent qui je suis et surtout d'où je viens. J'explique qu'il n'y avait personne quand nous sommes arrivés et que nous n'avons pas attendu pour s'enregistrer. Je me fais un peu engueulé, prétextant qu'il aura fallu attendre, mais bon avec mon numéro de passeport l'accès du parc m'est enfin légalement permis. C'est la première fois pour moi que je conduis un 4x4, c'est marrant de conduire sur le sable mais la partie la plus difficile est l'ascension. Déjà que la jeep n'a pas trop de puissance alors avec l'altitude où tous les mille mètres le moteur perd 10% de sa puissance, je ne risque pas l'excès de vitesse. C'est en conduisant que je me rends compte que c'était quand même plutôt raide de monter à pied. Je n'ai d'ailleurs croisé personne d'autre le faisant durant toute la journée. Au détour d'un lacet je retrouve mes deux compères que j'embarque. Ils ont réussi à dépasser les 5 000 mètres d'altitude et me confirment que continuer n'aurait pas été l'idée du siècle. Bien joué les gars !

Retour à Machachi et après une micro-sieste, nous retournons dans la pizzeria de la veille qui sans payer de mine a été une bonne surprise. Comme les défis débiles sont apparemment une partie intégrante de nos vies, nous décidons de prendre deux pizzas géantes, l'équivalent d'une bonne familiale, juste pour nous trois. Bien évidemment et comme attendu, nous ne réussissons pas ce défi incroyable de génie. C'est tout pour cette longue journée, mais dès demain nous allons pouvoir remettre ça avec cette fois-ci, le Chimborazo.

7

Aujourd'hui départ matinal car nous voulons rallier rapidement le Chimborazo sur les coups de midi afin de profiter de l'après-midi pour se balader dans les environs. Malheureusement arrivés vers les premières pentes nous ne parvenons pas à distinguer sa silhouette, la faute à un important brouillard. Nous en profitons cependant pour faire plusieurs arrêts sur la route, notamment un endroit où il y a des vigognes. Cet animal de la famille du lama vit dans les Andes sur les haut plateaux au-delà de 3500 m d'altitude. Impossible à domestiquer, on peut cependant faire des vêtements avec sa laine mais cela revient extrêmement cher de l'ordre de… 3000 € le pull! Quand on essaye de s'en approcher elles s'enfuient. Pour être tout à fait franc, quand un mec un peu louche se met courir après en criant, il y a de quoi flipper. Juste devant nous trône le sommet mais il nous est impossible de distinguer quoique ce soit.

Devant le peu de choix d'activités que nous avons, on décide d'aller directement dans notre hébergement. La chambre en question est située dans un minuscule hameau d'environ 7 ou 8 maisons. Il semblerait que l'on dorme dans ce qui est une école. C'est assez bizarre de voir que même pour une nuit nous avons plus de confort que les gens qui vivent ici à l'année. Nous posons rapidement nos affaires, puis nous reprenons la route en direction de la petite ville de Riobamba située environ 2000 mètres plus bas dans la vallée.

Riobamba est une petite ville reprenant le style colonial espagnol, avec en son centre une Plaza Mayor, des églises au style identique que celles de toutes les villes sud américaines, et des rues quadrillée à la Napoléonienne. Puisqu'il faut que l'on s'occupe et que nous n'avons rien mangé depuis un certain moment, nous avons donc du temps à perdre à attendre dans un restaurant... Et c'est exactement ce qui va arriver ! Nous commandons des empanadas et il faudra plus d'une heure pour se faire servir, tout en se faisant reprocher que c'est de notre faute car la commande n'était pas très claire. Décidément ça sent vraiment la journée pourrie.

On se balade rapidement dans la ville mais à part l'hyper-centre, il n'y a rien de bien trépidant à faire ici, chose que confirmera le collègue de Valentin en nous disant qu'ils envoient leurs clients à Riobamba simplement pour faire des courses en vue de l’ascension du Chimborazo voisin.

De retour dans la chambre, totalement privé de réseau et d'Internet on se sent perdu. Le logement est à 4000 m d'altitude et la température intérieure n'est pas celle que l'on pourrait attendre lorsque l'on pense à l'Equateur. Pas d'internet signifie pas de belote et pas de tarot en ligne, activité phare lors de nos temps de récupération ou de glandage durant ce séjour. Il faut bien que nous trouvions une activité pour passer la soirée, mais heureusement une bouteille de rhum et un jeu de cartes va nous occuper pour au moins trois ou quatre heures. Mais au moment de se coucher on se demande si c'était vraiment une bonne idée de l'avoir bu sachant que dans quelques heures on va commencer la rando en espérant passer les 5 000 mètres d'altitude.

Le lendemain matin on se lève aux aurores, frais comme des gardons, et nous nous préparons rapidement pour pouvoir être dès l'ouverture du site sur les lieux et ainsi éviter les tour-opérateurs et les nombreux touristes. La chance est enfin de notre côté car le brouillard s'est levé et l'on aperçoit le majestueux sommet derrière le hameau. Il est très impressionnant et c'est super excitant de se dire que dans pas longtemps, nous serons quelque part là-haut. Nous ne sommes qu'à une dizaine de minutes en voiture de l'entrée du parc, mais nous faisons quand même un arrêt pour profiter de la vue magnifique que nous avons. En face de nous, sur l'Altiplano, seul le dôme parfait du volcan dépasse du sol de la plaine. Les nuages ont l'air de glisser sur lui simplement en l'effleurant. Devant plusieurs troupeaux de vigognes se baladent tranquillement. Pour moi, cette vue est probablement l'une des plus marquante et les photos lui rendent parfaitement honneur.

Nous sommes devant l'entrée du parc juste avant 7h du matin et c'est la déception. Une barrière bloque l'accès, et c'est en s'en approchant que l'on comprend que le parc n'ouvre pas avant 2h... Il y a deux refuges sur la route qui mènent jusqu'au sommet. Le premier est accessible en voiture et se situe à environ 4700 m et il est possible de rejoindre à pied le second situé à 5100 mètres. Il y a un débat pour savoir ce que nous allons faire jusqu'à 9h. A et V décident de commencer l'ascension jusqu'au premier refuge, mais me rappelant de ce qui c'était passé au Cotopaxi, je ne suis pas très chaud pour y marcher et être après limité dans l'ascension. Je reste au chaud dans le 4x4 en attendant l'ouverture du parc et en espérant que les barrières se lèveront un peu avant l'heure prévue.

Environ 20 minutes après leur départ, un garde vient me voir et me demande si j'attends l'ouverture. Devant mon air idiot, parce que je vois pas ce que je pourrais attendre d'autre ici, il me propose ouvrir la barrière si j'accepte de lui donner 5 dollars. Mon premier bakchich, propina, pot-de-vin (appelez ça comme vous voulez) en voyage, ça se fête ! Je n'hésite pas une seconde et lui tends le billet vert et froissé comme convenu. Il a l'air content, je suis content donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il me rappelle cependant les règles du parc et ouvre la barrière. En moins de 5 minutes je rejoins mes deux compères qui à cause du vent qui souffle fort, n'entendent même pas la voiture approcher. Ils ont froid et ont l'air d'être contents de voir la jeep. Dix minutes et pas mal de lacets plus tard, nous sommes sur le parking du premier refuge : En avant pour la dernière marche de ces deux semaines en Équateur.

Le Chimborazo avec ses 6263 m d'altitude est le point culminant de l'Équateur, et également l'un de ses symboles car il figure sur les armoiries du pays. Il est considéré comme endormi mais sa dernière éruption remonte à plus de 10 000 ans, alors selon la surveillance locale, il présente un risque minime d'éruption. Mais pourquoi le Chimborazo est-il considéré comme le plus haut sommet du monde ? Si l'on compare seulement l'altitude par rapport au niveau de la mer, évidemment le mont Everest est le toit du monde.. Cependant le Chimborazo peut être défini comme le plus haut relief terrestre, si la distance prise en compte est celle entre son sommet et le centre de la Terre soit 6384 km entre ce dernier et le sommet équatorien contre 6382 km pour le Mont Everest. Ceci s'explique par la forme ellipsoïdale de la terre qui lui confère un rayon d'environ 21 km plus important à l'équateur qu'aux pôles, et comme les sommets himalayens sont plus éloignés de l'équateur que le Chimborazo, voilà pourquoi d'après les mesures, c'est ce dernier qui est le véritable toit du monde.

Nous partons du premier refuge et à peine 100 mètres plus loin, nous arrivons au cimetière du Chimborazo où une bonne quinzaine de pierres tombales d'andinistes morts en essayant de gravir le volcan, tapissent le sol. Un peu moins d'un kilomètre sépare les deux refuges pour environ 300 m de dénivelé. Ce n'est pas très dur car le chemin est très praticable mais c'est l'altitude qui me pose le plus de problème. J'avance donc sûrement mais plutôt lentement, tout en respirant fortement jusqu'à arriver au deuxième refuge. Les deux autres ont l'ai de voler. Ils sont soit très forts soit dopés ! Au final, durant ce voyage je n'ai eu le mal des montagnes qu'au deuxième jour au Quilotoa. En continuant un tout petit peu plus loin, nous tombons sur le Condor Cocha, un petit lac totalement à sec.

C'est officiel nous avons dépassé notre précédent record, et comme devant ce lac est planté un panneau avec l'altitude du lieu, une séance photos est naturellement nécessaire pour immortaliser l'instant. On ne peut pas dire que l'on soit de très grands fans lorsque qu'il faut se prendre en photo, mais là l'occasion était parfaite. Comme on peut voir sur nos têtes, la satisfaction est au rendez-vous. Même s'il est indiqué que le chemin ne peut pas se faire seul, nous décidons de continuer de monter. N'étant pas équipé pour la haute montagne, on sait parfaitement qu'il ne sera pas possible de continuer une fois la neige et la glace atteint.

Cette fois-ci le chemin est un peu plus sinueux et n'est pas clairement visible. Il faut enjamber plusieurs pierres et parfois même se mettre à quatre pattes en s'aidant de ses bras pour pouvoir avancer plus aisément. On aperçoit un peu plus haut comme des cascades de glace qui ont l'air d'être accessibles à pied. En regardant bien plus haut, on voit ce qui semble être un glacier avec une importante épaisseur de glace. Malheureusement j'ai encore beaucoup trop mal, et je décide de stopper avant d'arriver aux cascades glacées. Je regarde les deux autres progresser encore quelques centaines de mètres devant moi, puis finalement faire demi-tour car la pente est trop abrupte et le sol glissant. Pour continuer plus loin il faut être équipé de crampons et de cordes pour continuer en toute sécurité.

Depuis l'endroit où je me suis arrêté, je vois entièrement l'Altiplano mais également le 2ème refuge, qui d'ici n'est qu'un minuscule point. En attendant leur retour, j'en profite pour regarder mon altimètre qui indique 5303 m. C'est à ce moment-là que je réalise que je suis bien plus haut que le Mont Blanc, 493 mètres exactement. La sensation assez étrange et je savoure cet instant car je n'aurais peut-être pas beaucoup d'autres occasions de revivre un moment identique. Quand je dis que je savoure tout est relatif, car avec la température et le vent glacial, il va vite falloir redescendre. On arrive rapidement au deuxième refuge alors que l'on commence à croiser les premiers touristes. Il y en a quand même pas mal et lorsqu'on arrive à la voiture, quelques vans déversent leurs passagers. Pour le coup on est contents d'avoir éviter tout ça et d'avoir eu la montagne pour nous seuls. Comme quoi, la corruption c'est finalement très positif !

Il ne nous reste maintenant plus qu'à rentrer à Quito. Même si on a envisagé de s'arrêter à des cascades sur la route, avec la fatigue, on les zappe. Pour la dernière soirée nous voulions faire un barbecue sur le toit de l'immeuble, mais une fois arrivé à l'appartement le plan a changé. Nous allons dans un club pour voir un groupe local jouer une musique affreuse. Cerise sur le gâteau, durant ce concert exceptionnel j'ai commandé des nachos qui auront le pouvoir fantastique de me rendre salement malade le lendemain ! Jusque là rien d'incroyable, sauf que le jour en question je partais pour Santiago du Chili et j'avais au total 5 heures de vol. Voyons le côté positif ça aurait pu être beaucoup plus embêtant si j'avais eu ce problème au milieu des rochers et de la neige ! Et puis bon voyager en Amérique du Sud sans que le tube digestif d'un Européen souffre, ce n'est pas vraiment un voyage totalement réussi !