A moins de le vouloir, on est jamais seul sur les chemins.
Partager cet article

Ma crédentiale (le "passeport du pélerin") indique la date de mon 1er départ : le 20 août 2011, à Saint-Jean-Pied-de-Port.

J'avais 19 ans quand j'ai posé le pied pour la première fois sur le Camino Francés.

Le Chemin français, c'est la voie « principale » et la plus fréquentée qui traverse l’Espagne dans les terres, de Saint-Jean Pied de Port à Compostelle / Santiago de Compostela.

Au regard de mon jeune âge et du fait que je possède un vagin, j’ai du rassurer plusieurs de mes proches qui s’inquiétaient de me savoir partir seule sur des chemins inconnus avec mon gros sac.

J'étais une femme (toujours). Et j’étais jeune. Les plus vieux que moi prétendent que je le suis encore.

C'est un fruit, vous avez l'esprit mal tourné. 

Je n’ai jamais crains pour ma sécurité. J’habite dans une grande ville en région parisienne, on m’a appris à faire « attention », peut-être trop. J’ai de mon côté appris à ne pas m’empêcher de faire les choses parce que je suis une femme / jeune / seule.

La solitude ne m’a jamais fait peur. C’est plutôt les gens, qui m’effrayaient un peu. Le Chemin permet d’apprendre à faire confiance et à se faire confiance. On y croise des personnes très différentes, avec des parcours de vie variés, qui parlent d’autre langues, ont d’autres cultures.

Les marqueurs d’identification sociale s’estompent. Pas de Rolex ou de chemise Armani. Les 3/4 des pèlerins succombent un jour ou l'autre au mariage contre nature des sandales avec les chaussettes. Les femmes ne sont plus maquillées, les hommes moins ou pas rasés, on se préoccupe moins de ce qu’on va porter demain quand on a deux t-shirt et un short dans son sac.

Partir seul, c’est être plus ouvert à la rencontre, à l’échange. C’est ne pas être tenté de rester « entre nous », avec les personnes que l’on connait. Les rapports sont plus simples. D’autres codes s’installent.

La bienveillance, la solidarité et l’ouverture à l’autre priment. On se salue, se souhaite bonne route « Buèn Camino », on s’encourage à continuer, à aller plus loin « Ultréïa » !

J’ai laissé des inconnus soigner mes pieds et m’apprendre à soigner mes ampoules avec un fil de soie et une aiguille. J’ai vu une pèlerine me donner un pantalon parce que je n’avais rien pour couvrir mes jambes brûlées par le soleil et des sandales parce que mes pieds abimés ne supportaient plus mes chaussures fermées. J’ai vu chaque soir des personnes cuisiner pour d’autres et j’ai cuisiné avec eux. On partageait nos ingrédients, nos recettes (enfin moi, j'apprenais). Des repas et du vin partagés avec des inconnus qui le deviennent de moins en moins au fil que les jours passent.

On prend des nouvelles, on fait attention à chacun. On reçoit tellement que donner (re)devient complétement naturel. De la nourriture, des médicaments, de l’attention.

Métaphore. 

Sur le chemin il n’y a pas que des pieds, des genoux et des peaux à soigner.

Beaucoup arpentent les chemins pour soigner leur âme et leur cœur. J’y ai croisé des cœurs brisés, des gens en quête de sens, qui se posent des questions sur leur avenir professionnel ou sur leur place sur terre. Alors on écoute l’autre qui se livre. On partage aussi ses propres questions et états d’âme. En ayant pas peur du jugement parce que ce sont des inconnus et que l’échange est réciproque. On réconforte, on se redonne confiance.

On marche ensemble pendant quelques kilomètres, on se quitte, parfois pendant 2 ou 3 jours, et puis on se retrouve dans le même gîte avec le bonheur de retrouver par hasard un ami qu’on aurait pas vu depuis longtemps.

On partage « sa » salle de bain, « sa » chambre avec 5, 10 ou 50 personnes et on s’habitue aux ronflements sonores, aux odeurs de pieds et à l’intimité très relative. On trouve ses moments de solitude ailleurs. En marchant, le jour. En s’isolant, la nuit.

A moins de le vouloir, on est jamais seul sur les chemins.

Très bel article que j'ai lu avec beaucoup de plaisir !

Je n'ai jamais été très porté sur la marche donc a priori ce n'est pas tellement ma thématique mais j'y ai retrouvé un bref aperçu d'une philosophie (ou si c'est trop pompeux : d'une façon de voir les choses) m'ayant rappelé mes lectures d'Ocean's songs par exemple, d'Olivier de Kersauson, ou de La Longue Route de Bernard Moitessier. Donc inutile de préciser que c'est un compliment !

Bonne et belle route à toi, impatient de te lire 😀

"Toi, qui que tu sois, Je te suis bien plus proche qu'étranger " (M dans LAMOMALI). Cette citation nous semble être en rapport avec l'état d'esprit que tu sembles dégager de ton parcours et de tes rencontres. Bonne route à toi.

Nadine et Pascal

Poster un commentaire

Si vous êtes déjà inscrit sur MyAtlas, connectez-vous ! Pas encore inscrit ? Découvrez MyAtlas, le site qui permet de raconter et organiser ses voyages.