Le soleil frappe fort ce matin en résistance au début de l’automne, et la marée encore basse nous décide à commencer la journée par une longue balade le long de la plage, sous les hautes lumières.
Nous continuons notre promenade sous les remparts ponctuée d’un peu d’escalade et nous voilà peu après face au Grand Bé, l’îlot choisi comme tombeau par Chateaubriand pour y retrouver le bruit de ses premiers sommeils, éternellement tourné vers le large et la tempête.
La chaussée qui nous amène sur l’île est déjà bien entourée par la mer mais nous décidons malgré tout de prendre quelques courts instants pour explorer le Grand Bé et rendre hommage au père du romantisme français.
Quel dommage que le sonneur des Bés ne soit pas de service ce matin pour nous avertir de la remontée des eaux ! Prises dans notre contemplation, nous retraversons le passage in extremis et remercions le soleil de nous permettre de sécher nos jeans trempés sur les rochers; il s’en est fallu de peu pour que nous fassions partie des dizaines de promeneurs inconscients, secourus chaque année par les marins pompiers pour avoir négligé la vitesse de la marée et la puissance du courant.
Pour nous remettre de nos émotions nous décidons de rentrer dans les murs par la porte au nom inspiré de Bon Secours, et continuons de lézarder sur la terrasse de la charmante auberge des Chiens du Guet où nous déjeunons très bien sur le pouce.
Des kayakistes de mer défilent devant nous pour rejoindre le club nautique en contrebas et nous donnent bien envie de tenter la balade au coucher de soleil, avec dégustation de produits locaux. Nous gardons l’idée dans un coin de tête et grimpons sur les remparts pour continuer notre exploration de la cité Corsaire.
Construits dès le XII siècles et remplacés aux trois quart par l’architecte de Vauban au XVII ème, épargnés par les bombardements de la seconde guerre, ils nous permettent de prendre une belle hauteur sur les choses. Nous y croisons les mémoires des explorateurs Jacques Cartier, découvreur du Canada, ainsi que celles de l’insaisissable Robert Surcouf, le corsaire et armateur légendaire qui fit frémir les anglais pendant les guerres qui suivirent la Révolution.
Nous redescendons d’ailleurs des remparts au niveau de la Demeure d’Asfeld, construite au début du XVIIIème par un illustre prédécesseur de Surcouf, François-Auguste Magon de la Lande, l’un des plus puissants armateurs et corsaires sous Louis XIV. Classé monument historique, l’hôtel particulier est désormais destiné à recevoir le public le temps d’un évènement ou d’une visite guidée.
Nous n’avons malheureusement plus guère le temps de nous prélasser dans le faste des années corsaires ; nous nous apercevons que nos rêveries romantiques nous ont encore fait prendre du retard et qu’il nous reste moins d’une heure pour rejoindre la Grande Passerelle !
Nous filons à vive allure à travers les étals de la grande braderie Saint-Michel qui occupe chaque année le dernier week-end de septembre et arrivons juste pour profiter de l’exposition de photographies. Aleks y retrouve parmi d’autres visions inspirées de la vie animale au rythme des marées, le fameux héron qu’elle avait capturé cet été dans les sables de Dinard.
Les envies de photos reprennent de plus belles lorsque nous cheminons de retour vers l’hôtel pour nous reposer quelques instants et redécouvrons la plage à marée basse toujours baignée de lumière.
Le soleil disparaît doucement et nous ne faisons pas les vaillantes après cette journée passée à arpenter le glorieux passé de la ville.
Un dîner rapide dans l’une des brasseries du Sillon et nous voilà dans les murs pour un dernier verre, perchées sur les balançoires du comptoir de la Java, le célèbre “café du coin d’en bas de la rue du bout de la ville d’en face du port” vivement conseillée par nos amis malouins.
Et l'on comprend pourquoi ! Tombé dans les mains d’un génial brocanteur, collectionneur de poupées au sens de l’humour tranché, le plus vieux bistrot de la ville est une attraction aussi folle qu’elle invite à ne pas se prendre trop au sérieux.
Nous profitons du cadre hystérique pour goûter à l’Eddu, un whisky distillé près de Quimper et regagnons Morphée ravie de cette journée.