Que dire...
Cela fait maintenant 59 jours que nous marchons, et voilà que nous arrivons au terme de notre Chemin de pèlerinage. Cette idée est difficile à comprendre lorsqu'on a marché si longtemps, traversé tant de villes et de paysages si différents, jour après jour, pas après pas.
Hier soir nous avions reculé pour mieux sauter cette grande étape ! Nous avons dormi à Monte do Gozo, immense albergue construite en 1989 à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse : plus de 400 places dans 30 baraquements. Hier nous y étions si nombreux qu'un seul d'entre eux était ouvert ! Tranquillité assurée.
Santiago... Borne du kilomètre 0, sur le parvis de la cathédrale Santiago. Nous arrivons au lever du jour dans la ville de Santiago, et profitons des abords de la cathédrale sans ses hordes de touristes... Nous avions tout prévu ! Oui tout, sauf les travaux, mais on s'incline c'était plus compliqué à éviter.
Madame Bleue et Monsieur Rouge semblent être bien arrivés ! La suite est un enchaînement d'impératifs : aller au Bureau des Pèlerins récupérer notre Compostella, certificat de réalisation du pèlerinage, mais nous demandons aussi un Certificat de distance, qui apparaît bien plus juste à nos yeux. Ensuite... Tortilla, bien sûr, après ces cinq longs kilomètres du matin, nous étions affamés ! Visite de la cathédrale, partagé entre admiration et émotion, mais aussi une rude mise à l'épreuve de notre patience face aux multiples hordes suivant l'une un parapluie rose ou l'autre la pancarte "3" avec écouteurs sur les oreilles et smartphone greffé devant les yeux... Nous faisons petit à petit notre tour, allant comme le veut la tradition tour à tour saluer la statue de l'apôtre, se recueillir dans la crypte devant son tombeau, etc.
Enfin la messe des pèlerins à midi. Là encore, on regrette de voir une bonne vingtaine des premiers rangs réservés pour des non-pèlerins... À une messe des pèlerins, c'est dommage. Mais bon pas de soucis, nous avons une place et pouvons profiter pleinement de l'office. Belle messe, néanmoins pas aussi émouvante que la messe de Roncevaux, mais si gratifiante par son côté... Libératoire ?
Nous profitons avec bonheur de la mise en action du Botafumero, énorme encensoir de laiton et d'argent, pesant plus de 50kg, actionné par pas moins de huit hommes, les tiraboleiros, qui lui impriment un mouvement impressionnant. Il n'est pas actionné à chaque messe des pèlerins, aussi avons-nous été ravis de cette bonne surprise !
Nous avons le plaisir de retrouver quelques têtes connues, même si cela nous semble si peu par rapport à toutes ces rencontres. Bien sûr, nous sommes toujours en compagnie de notre ami québécois Denis, mais nous retrouvons également ce couple d'Australien Dariane et Mickaël, et Thomas notre collègue allemand, que nous revoyons tous trois très régulièrement depuis les premiers jours en Navarre.
Oui, cette journée représente la fin de notre pèlerinage vers Santiago de Compostelle, mais c'est aussi le début d'un autre Chemin.
Chemin de vie personnelle bien sûr car au fond de nous il y aura forcément quelque chose de changé, dans notre vision du Monde, dans notre rapport à l'autre, dans notre matérialisme qui en a pris un bon coup, dans notre retour à l'essentiel, etc... Beaucoup de petites choses, profondes, spirituelles dont on ne peut pas vraiment parler mais que l'on sent différentes.
Mais si nous parlons du début d'un autre Chemin, c'est aussi car si le Camino Francès s'est terminé lorsqu'on a serré dans nos bras la statue de l'apôtre, notre Chemin à nous ne s'arrête pas ici aujourd'hui. Nous continuons demain, et pendant quelques jours, suivant la Voie Lactée, ainsi que le faisaient les pèlerins du Moyen-Âge, jusqu'au bout du monde connu de l'époque, là où plonge le soleil : Finisterre !
Vous aurez donc, si vous le désirez, encore de nos nouvelles jusqu'en fin de semaine !
Bonus : ces choses que nous avons (ré)apprises avec le Chemin :
- Il faut apprendre à ne garder que l'essentiel... Mais aussi savoir garder l'essentiel (exemple édifiant du rachat de leggings et écharpes à Burgos)
- Rien ne sert de courir, il faut marcher à son rythme - celui qui marche le plus vite n'arrive pas forcément le premier ! C'est même rare !
- Il y a toujours plus fort et plus rapide, qui marche depuis plus longtemps que toi. Ca force l'humilité... Exemple de Suzy, allemande sur le Chemin depuis 5 mois.
- Apprends à écouter ce que te dit ton corps, mais sans non plus s'écouter constamment. Faire preuve de discernement est essentiel pour avancer correctement.
- Se faire plaisir est essentiel. Profiter des bons moments qu'offrent le Chemin, de la beauté architecturale d'une église, la sympathie d'un compagnon de route, la fraîcheur d'une caña ardemment désirée ou le son puissant des grandes orgues vous plongeant dans votre intériorité. Tous les bons moments de la vie s'offrent les uns après les autres, il suffit de les cueillir.
Merci pour tous vos messages, encouragements, et tout le reste, vous nous avez accompagnés de la meilleure des manières durant ces deux mois.
À demain pour la suite, jusqu'au bout du monde !