Jeudi 29 Juin.
Je suis sur Montréal, arrivé la veille au volant du Gros (le camper). Aujourd'hui Amélie arrive par avion et les vraies vacances débutent. Au programme? Un road trip au Québec, une boucle au départ de Montréal et qui doit nous faire passer par des parcs nationaux, des lieux plein de promesses tels que le Lac Saint-Jean, Tadoussac, la Gaspésie, Québec....
3 jours à Montréal
On débute ici en Airbnb afin de s'accorder du confort avant la grande promenade en camper.
Montréal l’été est un festival de festivals : en peu de temps et pêle-mêle il y a les Francofolies, Mural (un contest annuel de peintures sur façades d’immeubles), le festival international du Jazz, Juste pour Rire, les 150 ans du Canada....
La ville semble à taille humaine. On ne s’y sent pas oppressé comme dans d’autres villes (Paris), les gens sont souriants et ouverts (Paris !)…. La mentalité y est pour beaucoup à vrai dire : l’hiver étant rude, les québécois sortent de chez eux et profitent au maximum du beau temps lorsqu’il se présente. Petites rues bordées d’arbres, commerces divers et variés dans le rez-de-chaussée des bâtisses et qui ont su en garder le charme, parcs où les gens s’adonnent à la musique, les sports en tout genre, ou tout simplement l’apéritif… C’est détendu, frais. Il faut bien ça d’ailleurs pour contrer la météo suffocante ce jour-là.
La finalisation de la préparation du camper et la fatigue (décompression pour moi, décalage horaire pour Amélie) font que l'on ne rentabilise pas au maximum nos journées. Qu'importe, on a prévu d'y revenir à la fin du périple!
(oui étonnement j'ai peu pris de photos de Montréal)
Parc National de la Mauricie
On file ensuite pour 2 jours et 2 nuits dans le Parc National de la Mauricie. Au programme: camping, rando, kayak, ...
On se familiarise avec le camper sur ce premier trajet: 3h de route, 75 km/h de moyenne, un bruit constant et pas de clim. Ca n'a pas l'air bandant comme ça, mais pourtant je vous assure qu'on a kiffé : ) Etre libre de nos mouvements, de notre temps, être autonome...
Parenthèse sur le confort: Je parlais de celui de l'Airbnb, c'était plutôt le confort d'être dans le connu, dans le civilisé, dans des murs, etc... Là avec le camping on fuit doucement le confort du connu. On apprend à caler le camper pour dormir à plat, on s’accommode des toilettes chimiques, on découvre les limites de sa tolérance envers les moustiques...
On attaque notre première journée par du costaud: on choisit la rando des chutes Waber (3 kms), accessible uniquement par kayak (6 kms aller-retour). Les efforts sont aussi réels que l'environnement nous est hostile: vent de face pour le kayak, humidité max, moustiques de 200g chacun (sont vraiment gros, vraiment). On est pas tout à fait au niveau mais on se bat et la récompense est au bout.
Lac Wapizagonke Lac Wapizagonke Le stationnement de nuit en camper
L’idée que l’on se fait du voyage en camper c’est de pouvoir aller et dormir où bon nous semble, car autonomes. Pour ma part le fait de ne pas payer d’hébergement justifie l’investissement dans le camper. Or ici les québecois prennent leur camper, vont en camping et paient un emplacement avec électricité et raccordement à l’eau, les uns agglutinés sur les autres. C’est étrange mais c’est comme ça, le camping sauvage est peu toléré et pratiqué.
Afin de trouver des endroits où dormir gratuitement, il existe des sites spécialisés et en fouinant bien on peut trouver de bons tuyaux sur des blogs. Lieux connus de tous : les parkings des supermarchés Walmart. Statistiquement, 4 Walmarts sur 5 l’autorisent. Ça sert de point de chute quand t’es en galère mais honnêtement qui a envie de vivre sur un parking ?. Autre lieu référence, les trucks stops. Idem, ça dépanne mais à moins d’avoir un sommeil bien profond et d’être passionné de poids-lourds, on y passe pas ses vacances. Au Québec Il existe aussi un réseau de Villages Relais qui tolère pour la plupart le stationnement de nuit sur des lieux bien spécifiés (nous l’utiliserons aussi). Enfin, il est possible de trouver des endroits en y allant au culot et en demandant aux commerces et/ou aux voisins.
Suite à la dernière rando dans le Parc de la Mauricie et suite à 2h de route éreintantes, notre première nuit sera au village de La Tuque derrière le truck stop.
Direction Lac Saint-Jean
Après une nuit habitée par les ronronnements des génératrices des poids-lourds, nous voilà repartis pour 3h de route en direction du Lac Saint-Jean. Au programme : visite du centre d’interprétation amérindien de Mashteuiatsh et du zoo de Saint- Félicien.
Un centre d’interprétation est un espace muséographique avec ou sans collection à visée de mise en valeur et de diffusion d’un patrimoine singulier impossible à réunir dans un musée classique (évidemment cette phrase n’est pas de moi).
Ici, l’art de vivre des Premières Nations du Québec, nom donné aux autochtones canadiens. On y voit des objets liés à la chasse, la pêche, les vêtements, on y voit aussi des projections sur le mode de vie dans le Grand Nord et une expo temporaire sur la volonté des peuples autochtones de faire valoir leur identité et faire perdurer leur culture tout en s’insérant et s’adaptant au Canada qui n’est pas le leur. De ce que j’ai compris (je ne prétends pas tout savoir après 2h sur le sujet), il y a eu une occidentalisation forcée des peuples autochtones voulue par les gouvernements canadiens au 20ème siècle. Exemple : les enfants étaient envoyés dans des pensionnats d’assimilation afin de leur faire apprendre l’anglais et le mode de vie européen. Si les familles refusaient, on leur coupait les vivres. Aujourd’hui, le modèle s’est adouci et on tente d’éduquer tout en inculquant les valeurs ancestrales. Après discussion avec Denise, une autochtone faisant partie de l’équipe du musée, les écoliers ont des sessions de camping en pleine nature (une l’été, une l’hiver) afin d’apprendre à la respecter et à chasser/pêcher. Aussi, leur éducation est partiellement faite en langue locale.
On sent après cette visite que l’équilibre entre tradition et développement est très compliqué à obtenir, d’autant plus qu’il y a autant de Nations que d’avis sur le dosage adéquat.
Bien que très intéressant, on doit filer au zoo ! L’excitation de voir des animaux hors du commun me fait sentir comme un gamin. En revanche, quand j’étais gamin, c’est pas moi qui payais… ! 45$ l’entrée par personne, ça pique !
Le thème du zoo est le « climat boréal » : continent par continent, on peut observer les animaux qui peuplent ce climat essentiellement présent au Canada, USA, Russie, Japon, Mongolie, … Tu savais toi qu’il y avait des singes au Japon, et qu’en plus ils étaient adaptés à ce climat ? Ne me remercie pas c’est gratuit pour cette fois…. Autre attraction du zoo, un parcours en petit train dans des plaines canadiennes dans lesquelles des animaux vivent en « liberté » et où ont été reconstitués des villages de bûcherons, de paysans, de commerçants de fourrures… Le petit train rejette autant de gas qu’il en consomme mais la chose est bien faite et les animaux ont vraiment de l’espace pour vivre (seul bémol sur ce point : les loups vivent enfermés, mais bon, ça serait un beau bordel sinon…) Malgré le peu de temps qu’il nous reste, on parvient à faire le tour du zoo jusqu’à la dernière minute d’ouverture.
Encore quelques kilomètres à parcourir jusqu’au Village Relais pour la nuit…. On en parle pas encore, mais cette journée un peu speed laissera des traces et commencera à nous faire dire que le planning des vacances est trop ambitieux. Si on veut continuer à profiter, il faut lever le pied.
Suite et fin du Lac Saint-Jean : Chutes à l’Ours et Parc National de la Pointe-Taillon
Le Guide Vert présente quelques lignes sur ces chutes. Par coïncidence, le Village Relais où on a passé la nuit en était proche, et des chutes, toujours spectaculaires, il n’y a pas à se forcer pour aller les voir. Jugez plutôt :
Autre idée issue du Guide, une petite session plage au bord du Lac Saint-Jean. La notion de Lac ici est assez large : on en a déjà vu par centaine le long de la route mais celui-ci s’apparente plus à une mer intérieure ! D’ailleurs, il y a des vagues…. Se baigner dans des vagues d’eau douce, vous assure que c’est déstabilisant 😀
La fausse bonne idée aura été de venir dans ce « Parc National » payant : en fait, on distingue les parcs Canada, gratuits toute l’année 2017 en raison du 150ème anniversaire du Canada, et les parcs Sépaq (Québecois quoi), eux payants. Ils s’appellent tout 2 « parc national », tout comme la « fête nationale » ici n’est pas celle du Canada mais du Québec… on y comprend rien mais à part ça : on se fait baiser ^^. Ça fait cher la plage, d’autant plus que les douches y sont elles aussi payantes (ça peut paraître être un détail mais quand on vit en camper, ça a son importance les douches publiques avec pression, chaleur, espace…!). Le souvenir n’en reste pas moins agréable. « De l’argent on en refait, des souvenirs non »….
Rivière Saguenay
Nous voilà à parcourir le fjord du Saguenay qui relie le Lac Saint-Jean au fleuve Saint-Laurent. C’est vallonné et le camion montre de grosses faiblesses en côte. Pour l’anecdote, on a du grimper une côte de plusieurs kilomètres allant jusqu’à 23% de pente, pensant trouver au bout de ce chemin un resto sympa, le premier qu’on se serait offert depuis Montréal…. A la place, un commerçant peu aimable qui a décidé de fermer trop tôt (il est à peine 20h) mais qui malgré tout nous autorisera à dormir au bord du Saint-Laurent devant chez lui. Un artichaut en quelque sorte, une enveloppe rugueuse autour d’un cœur tendre (me demandez d’où elle vient celle-là j’en ai aucune idée !)
Vue depuis notre lieu de stationnement pour la nuit Ce fjord est magnifique avec ses côtes découpées et ses petites baies pleines de charme (notamment Saint-Anne-des-Roses). L’excitation monte : au bout du fjord, Tadoussac et ses baleines….
Tadoussac
Bienvenue à Disneyland, Mickey en moins ! Les baleines qui peuplent le Saint Laurent face à ce village ont rendu ce dernier totalement artificiel. Hôtels à gogo, boutiques d’artisanat soi-disant local et galeries d’arts par dizaines… Une oasis au milieu de ce chaos : la micro-brasserie de Tadoussac…. :D
Paradoxalement, nous aurons ici le plus beau spot dodo du voyage :
Le soir Le matin 😀Le lendemain, on a prévu la tant attendue excursion en zodiac à la rencontre des baleines….
On se lève dans la brume. Merde, c’est pas l’idéal pour observer quoi que ce soit, vivant ou mort ! Qu’importe, on est confiant, ça va se lever, c’est sûr ! On arrive au petit port Les Escoumins, 45min au Nord de Tadoussac, lieu quasi-inconnu des touristes où on a trouvé le croisiériste le moins cher de la côte.
Ils nous font patienter une heure afin que ça se dégage, c’est prévu paraît-il. On file sur le quai pour tuer le temps. A notre grande surprise, un phoque est juste là, au pied du ponton. Y’a de la vie dans ces eaux, c’est bon signe… En remontant, des souffles d’expiration de baleines se font entendre derrière nous. Impossible de les voir dans le brouillard…. Mais c’est prometteur !
12h30 sonne, on file au zodiac ! Cyril notre capitaine est confiant tant sur la météo que sur le fait de voir du mammifère…. 1h s’écoule, rien à part des pingouins, des cormorans et un fou de bassan. Il check avec les autres capitaines à la radio, c’est « Waterloo morne plaine »… Puis un dos de marsouin surgit ! C’était bref… des souffles se font entendre, faisant travailler l’imagination… Bordel il va se tirer ce brouillard ! Cyril nous parle un peu des baleines pour nous occuper lorsqu’un rorqual apparaît à quelques dizaines de mètres du bateau ; il se met à sa poursuite, allure lente….on a tous les yeux grand ouvert…..plus rien. Il nous assure que c’est la première fois qu’il perd un rorqual de vue. Ce n’est décidément pas pour nous aujourd’hui…. Retour à quai, un brin déçu bien que l’imaginaire travaille et travaillera quelque temps encore sur les souffles entendus dans la journée…. On retourne à notre spot chéri. Demain, on part vers le Sud.
Côte de Charlevoix
Le rythme soutenu du début de périple s’est effondré, par conséquent nous n’irons pas en Gaspésie….et c’est tant mieux ! A quoi bon avaler les kilomètres si on ne s’autorise pas des sorties de route ? Nous avions quitté Montréal avec l’intention d’y repasser du temps en fin de séjour, on est maintenant en phase avec cela : on est dimanche, on a une semaine devant nous pour redescendre tranquillement vers notre point de départ.
Le soleil est radieux, on voit la Gaspésie de l’autre côté du fleuve. Aujourd’hui, on aurait vu des baleines…la météo se fout de notre gueule.
On traverse l’estuaire et la première pause de la journée est là tout près : l’observatoire de Pointe -Noire. C’est un beau belvédère sur le Saint-Laurent et il nous reste un mince espoir de voir les gros poissons… Se devait être juste une pause, un check, une photo…. On y restera plus d’une heure. Au menu : rorquals, phoques, belugas…ils sont tous là ! De vrais enfants. Grâce aux jumelles et longues vues, on a l’impression d’y être. On les a vu nos baleines…. J
S’en suit une longue route qui vallonne et longe le Saint-Laurent. La Côte de Chalevoix est un lieu de villégiature renommé pour les Canadiens et Américains. Et ça se voit J On y trouve quand même des petites criques préservées, comme l’Anse de la Roche. Le parking est plein mais la vase est tellement collante que personne ne s’y aventure ! Lorsqu’on fait quelques mètres, on n’entend et ne voit plus personne, l’endroit a quelque chose de magique :
Ayant du temps, on décide d’une excursion à l’Isle-aux-Coudres le lendemain, vendue sur papier avec l’argument suivant : « 23kms de bonheur » ….
Isle-aux-Coudres. On peut y faire un peu de rando, visiter une cidrerie, louer des vélos… C’est parfait, je n’ai pas envie de rouler aujourd’hui. On se stoppe près d’un quai, sieste, dessin, pic-nic… on chille et c’est pas dommage. Après quelques heures on se décide pour retourner sur le continent, moyennant un petit tour en camion sur l’autre moitié de l’île, histoire d’avoir vu l’ensemble – ç’aurait été idiot de passer à côté d’un beau panorama… L’idée fût bonne mais la récompense n’est pas à la hauteur : une épaisse fumée blanche sort du moteur lorsque l’on s’arrête pour faire demi-tour. Une durite du circuit de refroidissement a lâché, tout le liquide a jailli sur le moteur (d’où la fumée). Ayant mis le nez dans le compartiment moteur la veille, je remarque ladite durite qui a éclaté. Un autre touriste s’étant arrêté à notre hauteur (il faut dire qu’on a choisi notre arrêt : le camion cache un des points touristiques de l’île, « la roche pleureuse », légende qui raconte qu’une femme de marin a tellement pleuré à cet endroit patati-patata…) et ayant quelques notions de mécanique confirme qu’il ne s’agit surement que de ça et que le moteur n’a pas du souffrir. Il se propose de nous emmener au garage de l’île avec sa voiture ; avec un peu de chance ils ont la pièce…
Vous y croyez vous, une pièce équipant un moteur de 1986 en stock sur une île de 10km de long sur 5 de large ? Non ? Vous avez raison… Cela dit, bonne nouvelle, elle arrive le lendemain et ne coûte qu’un cinquantaine de dollars…
Lieu du pic-nic Réparation et réconfort
Le lendemain, c’est parti pour une nouvelle session de stop pour aller au garage. On ignore si c’est légal ou non, mais quoi qu’il en soit ça fonctionne assez bien ! En 3 sessions, le temps d’attente le plus long a été 10 minutes.
Durite récupérée, remplacée, nous voilà repartis….300m. J’ai manifestement oublié des « détails » de ma 1ère de Bac mécanique. J’appelle Serge à la rescousse, et après m’être quasiment fait engueulé (« la prochaine fois t’entreprends rien, tu m’appelles avant »), on répare pour de bon et se dirige vers le ferry pour laisser cet île derrière nous…. Le soir, on s’accorde une nuit de camping traditionnel avec eau, électricité et douche ! Le luxe quoi…^^
Québec
Corps tout propre, lessive faite, eaux usées vidangées, full en eau potable…nous voilà armé pour la suite ! Je scrute attentivement la jauge de température du moteur pendant toute la durée du trajet vers Québec. C’est stable… qui sait, peut-être que le camion suivra mes ambitions jusqu’au bout ?!
Québec est présenté comme étant le joyau du patrimoine bâti canadien. Première ville nord-américaine à avoir été classé au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est un bout d’Europe aux yeux des locaux. Basse-ville historiquement commercante le long du Saint Laurent, Haute-ville plus institutionnelle et religieuse, château de Frontenac, Plaines d’Abraham où les Anglais ont fait un grand pas vers la conquête définitive du Canada lors d’une bataille….tout se juxtapose assez harmonieusement et moyennant quelques kilomètres de marche, tout est faisable en une après-midi. Malgré les nombreux musées, on ne ressent pas le besoin d’y entrer pour comprendre et assimiler l’histoire de la ville (faut dire aussi qu’on en a lu beaucoup sur Samuel de Champlain et toute son épopée !). Malgré la quantité dingue de touristes (On ne peut trop s’en plaindre, on l’est aussi…), ça a quelque chose de rassurant, d’apaisant, de réconfortant d’être entouré de vieilles pierres et d’architecture de chez nous.
Château Frontenac La boucle est bouclée
Il nous reste 3 jours avant l’avion retour d’Amélie, 3 jours sur Montréal. Ca se voit non, qu’on kiffe cette ville ?!
Jardin botanique, festivals, apéro sur le Mont-Royal au coucher de soleil, musées… on fait ce que l’on n’a pas eu l’occasion de faire lors de la première session et on a même le luxe de pouvoir passer du temps dans les quartiers appréciés 15 jours plus tôt ! On profite de nos derniers moments ensemble, bien conscients que l’on a vécu quelque chose de beau, hors du temps, prélude d’une belle aventure à venir : fin septembre, on remet ça de l’autre côté du pays et cette fois-ci, ni l’un ni l’autre n’auront de billet retour.